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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/445

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une nouvelle excitation donnerait une nouvelle direction à ses pensées. Pour exécuter ces résolutions, lord Vargrave quitta sa chambre, et il était sur le point de fermer la porte d’entrée, lorsqu’il se ressouvint que son domestique ne rencontrerait peut-être pas Howard, que le secrétaire arriverait probablement avant l’heure fixée ; il valait mieux laisser la porte ouverte. Il s’arrêta donc, et il écrivit sur une feuille de papier. « Cher Howard, envoyez-moi chercher aussitôt que vous arriverez : je serai chez M. Maltravers, au second. » Avec des pains à cacheter, Vargrave colla son affiche sur la porte, qu’il laissa entre-bâillée, de façon que la lampe placée sur le carré éclairât en plein le papier.

Ce fut la voix de Vargrave, dans la petite antichambre extérieure demandant au domestique si M. Maltravers était chez lui, qui fit tressaillir Cesarini, et lui coupa la parole au moment où il allait répondre à Ernest. Chacun d’eux reconnut cette voix claire et aiguë ; chacun d’eux regarda l’autre.

« Je ne veux pas le voir, dit Maltravers, en s’élançant vivement vers la porte. Vous n’êtes pas en état de…

— De le rencontrer ? non ! dit Cesarini avec une expression furtive et sinistre qu’aurait comprise un homme accoutumé à voir des aliénés, mais que Maltravers ne remarqua même pas. Je me retirerai dans votre chambre à coucher ; mes yeux sont appesantis ; je dormirai volontiers.

En disant ces mots, il ouvrit la porte intérieure, et il l’avait à peine refermée lorsque Vargrave entra.

« Votre domestique m’a dit que vous étiez occupé ; mais j’ai pensé que vous pourriez bien recevoir un ancien ami. »

Et Vargrave s’assit tranquillement.

Maltravers tira le verrou de la porte qui les séparait de Cesarini, et ces deux hommes, dont le caractère et la vie formaient un si éclatant contraste, Se trouvèrent seuls.

« Vous désiriez avoir avec moi une entrevue, une explication, dit Lumley ; je ne recule ni devant l’une, ni devant l’autre. Permettez-moi d’aller au-devant de vos questions et de vos plaintes. Je vous ai trompé de sang-froid, et avec connaissance de cause, c’est très-vrai ; tous les stratagèmes sont permis en amour comme en guerre. Le butin en valait la peine ! Je croyais que ma carrière en dépendait ; je ne pus résister à la tentation. Je savais bien qu’avant longtemps vous apprendriez qu’Éveline n’était point votre fille ; que votre premier entretien avec lady Vargrave me trahirait ; mais cela valait bien la peine de tenter un coup de main. Vous