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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/446

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avez déconcerté mes desseins, et vous m’avez vaincu ; ainsi soit-il, je vous en félicite. Vous êtes assez riche, et la perte de la fortune d’Éveline ne vous contrariera pas comme elle m’aurait contrarié.

— Lord Vargrave, traiter aussi légèrement le noir mensonge que vous avez conçu et les horribles tourments que vous m’avez infligés, ce n’est qu’un méprisable subterfuge. Votre vue m’est devenue pénible ; elle remue à ce point dans mon âme des passions que je voudrais étouffer, que plus tôt notre entrevue se terminera, mieux cela vaudra. J’ai à vous accuser d’un autre crime, qui n’est peut-être pas plus lâche que celui que vous avouez si tranquillement, mais dont les conséquences furent plus funestes : vous me comprenez ?

— Point du tout.

— Ne me poussez pas à bout ! ne mentez pas ! dit Maltravers, toujours d’une voix calme, quoique ses passions, naturellement violentes, ébranlassent tout son être. C’est à vos artifices que je dois l’exil de tant d’années que j’aurais pu mieux employer ; c’est à vos artifices que Cesarini doit le naufrage de sa raison, et que Florence Lascelles doit sa tombe prématurée ! Ah ! vous voilà pâle maintenant ! votre langue reste paralysée ! Pensez-vous que ces crimes puissent échapper toujours à leur récompense ? Pensez-vous qu’il n’y ait point de justice dans les foudres de Dieu ?

— Monsieur, s’écria Vargrave en se levant brusquement, je ne sais ce que vous soupçonnez, je me soucie peu de ce que vous croyez ! Mais je suis responsable de mes actes vis-à-vis des hommes, et je suis tout prêt à en rendre compte. Vous m’avez menacé en présence de ma pupille ; vous avez parlé de lâcheté et de danger. Quelles que soient les fautes qu’on me reproche, l’absence de courage n’est pas du nombre. Mettez vos menaces à exécution : je suis prêt à les braver !

— Il y a un an, il y a peut-être un mois, répondit Maltravers, j’aurais pris la justice entre mes mains mortelles ; même ce soir s’il eût été nécessaire de hasarder la vie de l’un de nous pour arracher Éveline à vos persécutions, j’aurais tout risqué pour elle ! Mais tout cela est passé ; vous n’avez rien à craindre de moi. Les preuves de votre premier crime, et de ses terribles résultats, suffiraient seules pour me détourner de la solennelle responsabilité de la vengeance humaine ! Grand Dieu ! quelle main oserait envoyer un cri-