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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/97

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compagnées que de M. Merton et de Maltravers, d’autres fois la cavalcade était plus nombreuse. Maltravers paraissait aussi attentif auprès de Caroline que de son amie ; cependant l’inexpérience d’Éveline dans les exercices équestres lui servait de prétexte pour être toujours à côté d’elle. Mille occasions de causer ensemble se présentèrent, Éveline se sentait maintenant plus à l’aise avec lui, et la douce gaîté, l’esprit plein d’originalité, quoique pur et châtié, de la jeune fille se faisait jour : Maltravers ne tarda pas à découvrir que sous sa simplicité se cachaient de la raisOon, du jugement et de l’imagination. Insensiblement il donna, lui aussi, un plus vaste essor à sa conversation. Avec l’aisance que lui permettaient son âge et sa réputation, il mêlait d’éloquents enseignements à des sujets frivoles et légers ; il dirigeait cet esprit docile et avide d’apprendre, non-seulement vers de nouvelles régions de connaissances littéraires, mais aussi vers plusieurs des mystères profonds ou sublimes de la nature. Il avait de vastes connaissances dans les sciences comme dans les lettres : les étoiles, les fleurs, les phénomènes du monde physique, lui fournissaient des thèmes intéressants, sur lesquels il s’étendait avec l’amour fervent d’un poète, et le savoir familier d’un sage.

M. Merton, remarquant qu’il ne se mêlait que peu ou point de sentiment à leurs entretiens familiers, se sentait parfaitement à l’aise. Il savait que Maltravers avait été intimement lié avec Lumley, et il présumait naturellement qu’il connaissait l’engagement qui existait entre son ami et Éveline. En attendant, Maltravers paraissait ignorer qu’il existât un lord Vargrave.

On ne doit pas s’étonner que la présence journalière, la délicate flatterie insinuée par les attentions d’un homme tel que Maltravers, fissent une profonde impression sur l’imagination, sinon sur le cœur, d’une jeune fille sensible. Déjà prédisposée en sa faveur, et nullement habituée à une société si pleine d’attraits divers, Éveline le regardait avec une indicible vénération. Elle était aveugle pour les teintes plus sombres de son caractère ; d’ailleurs il ne les lui laissait jamais apercevoir. Il est vrai qu’une ou deux fois, en société, son caractère altier et impérieux avait éclaté en emportements brusques et impétueux. À l’égard de l’absurdité, de la prétention, de la présomption, il se montrait fort peu tolérant. Le sourire impatient, le sarcasme mordant, la froide réplique, qui pouvaient blesser, mais pourtant dont on ne