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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/174

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plus, monsieur, à des gens comme nous qui avons tenu boutique nous-mêmes.

— Ma chère mistress Avenel dit le curé, ce que je vous demande pour le moment, c’est tout simplement de le voir… de le recevoir avec bonté… d’écouter sa conversation et de le juger par vous-même. Nous ne pouvons avoir qu’un même but, celui de voir votre petit-fils réussir et vous faire honneur. Et je vous avoue que je doute fort que nous puissions atteindre ce but en faisant de lui un petit boutiquier.

— Jeanne Fairfield qui a épousé un simple charpentier, aurait-elle appris à son fils à mépriser les petits commerçants, s’écria mistress Avenel avec colère.

— Le ciel l’en préserve ! Parmi les hommes les plus célèbres de l’Angleterre, il y en a beaucoup qui étaient fils de boutiquiers. Mais est-ce un crime à eux ou à leurs parents, si leurs talents les ont parfois élevés si haut que les ducs les plus fiers pouvaient leur porter envie. L’Angleterre ne serait pas l’Angleterre, si l’homme devait forcément rester où son père a commencé !

— Bien dit ! grommela une voix approbatrice que ni mistress Avenel, ni le curé n’entendirent.

— Tout cela est fort beau, dit brusquement la matrone, mais envoyer un garçon comme lui à l’Université… où trouver tout l’argent qu’il faudra ?

— Ma chère mistress Avenel, dit le curé d’un ton conciliant, la dépense ne sera pas bien grande dans un petit collège de Cambridge, et si vous voulez en payer la moitié je payerai l’autre. Je n’ai pas d’enfants, et mes moyens me permettent de le faire.

— C’est fort bien à vous, monsieur, dit mistress Avenel, un peu touchée, seulement l’argent n’est pas tout.

— Une fois à Cambridge, continua M. Dale, avec rapidité, à Cambridge où les études sont toutes mathématiques, partie pour laquelle il a montré une grande aptitude, je n’ai aucun doute qu’il ne se distingue. S’il en est ainsi, il obtiendra à sa sortie ce que l’on appelle son titre de fellow, c’est-à-dire un rang universitaire, accompagné d’un traitement qui suffira à tous ses besoins. Allons, mistress Avenel, vous êtes dans un bonne position ; vous n’avez point de parents plus proches que lui. Votre fils, m’a-t-on dit, a réussi ?

— Monsieur, dit mistress Avenel, en interrompant le curé, ce n’est pas une raison, parce que mon fils Richard fait notre orgueil, qu’il est bon fils et qu’il a fait fortune, pour que nous lui volions ce qu’il aura après nous pour le donner à un enfant que nous ne connaissons pas, et qui, en dépit de tout ce que vous dites, ne nous fera jamais honneur.

— Et pourquoi ? Je ne vois pas cela.

— Pourquoi ? s’écria mistress Avenel avec emportement. Pourquoi ? vous le savez bien. Non, je ne désire pas qu’il s’élève dans le monde ; je ne tiens pas à ce qu’il fasse parler de lui. Je crois que c’est une très-mauvaise chose de lui avoir mis toutes ces belles