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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/248

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— Achevez… achevez… dites si j’étais votre femme. C’est cela. Ma chère madame, je suis riche, vous le savez ; je vous aime tendrement ; grâce à vous, j’espère pouvoir jouer un rôle dans une sphère plus élevée que celle-ci, et quel que soit mon père, mon petit-fils, du moins, sera… Mais ce n’est pas le moment de parler de lui. Qu’avez-vous ? Vous vous détournez : je ne veux point vous obséder. Ce n’est pas mon habitude. Je vous ai déjà demandé un oui ou un non, et votre bonté m’enhardit à vous dire encore une fois : oui ou non ?

— Mais vous me prenez si à l’improviste… si… si,… mon cher monsieur Avenei, vous êtes si pressant… si… et moi… je… La veuve rougit ; une confusion sincère colorait son visage.

— Ces abominables Pompley ! pensa Richard en voyant le colonel s’approcher avec le manteau de mistress M’Catchley sur le bras.

— J’insiste pour avoir votre réponse, continua Avenel avec vivacité. Je quitterai demain ce pays, si vous ne me répondez.

— Quitter ce pays ! me quitter !

— Vous consentez donc à m’appartenir !

— Ah ! monsieur Avenel, dit la veuve, en laissant sa main dans celle de Richard, qui peut vous résister ? »

Le colonel Pompley arriva, Richard prit le châle, et lui dit :

« Ne vous pressez pas tant colonel,… mistress M’Catchley se sent déjà ici chez elle. »

Richard Avenel fit si bien que dix minutes après tous les assistants savaient que leur hôte était accepté par l’honorable mistres Mac Catchley. Et chacun de se dire : « Voilà un homme intelligent, et un brave garçon. » Tous, excepté cependant les Pompley, ceux-ci étaient outrés. M. Richard Avenel allait donc entrer dans l’aristocratie du pays ; devenir le mari d’une honorable alliée à des pairs !

« Il arrivera à se faire nommer député de Screwstown, ce grossier parvenu ! s’écria le colonel.

— Et sa femme aura le pas sur moi dans les cérémonies, s’écria mistress Pompley. L’odieuse femme ! » Et elle fondit en larmes.

Les invités s’étaient retirés, et Richard avait le loisir d’examiner le parti qu’il devait prendre à l’égard de sa sœur et de son fils.

La victoire qu’il avait remportée sur ses invités avait en grande partie calmé sa colère contre ses parents ; mais il était indigné de l’audacieuse conduite de Léonard. Il ne pouvait croire qu’un jeune homme qu’il avait obligé et qu’il avait eu l’intention d’obliger se permît d’avoir une volonté à lui. Il sentait aussi que certaines paroles, échangées entre lui et Léonard, ne pourraient s’oublier entièrement et rendraient leurs rapports beaucoup moins agréables que par le passé. Lui, Richard Avenel, demander pardon à mistress Fairfield, la blanchisseuse ! Non ! c’était à elle et à Léonard de demander pardon. « C’est à eux à faire le premier pas, se dit Richard, et j’espère qu’ils reviendront au sentiment de leurs devoirs. » Dans cet espoir, il ouvrit la porte de son cabinet et se trouva dans une complète solitude. La lune, qui venait de se lever, remplissait entièrement la