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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/286

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CHAPITRE LII.

M. Prickett était partisan de l’homœopathie ; il déclarait à la grande indignation des apothicaires du voisinage d’Holborn, qu’il avait été guéri d’un rhumatisme chronique par le docteur Morgan. Le bon docteur, suivant sa promesse, était allé le voir en quittant Léonard, et lui avait demandé comme une faveur, de vouloir bien accorder au jeune homme un petit emploi qui lui valût un modeste salaire.

« Ce ne sera pas pour longtemps, ajouta le docteur ; il a des parents respectables et qui sont à leur aise. Je vais leur écrire, et, dans quelques jours, j’espère vous en débarrasser. Il est bien entendu que si vous n’avez pas besoin de lui, je vous rembourserai les frais qu’il vous aura occasionnés. »

M. Prickett, ainsi disposé en faveur de Léonard, le reçut d’une façon très-affable, puis, après lui avoir adressé quelques questions, dit qu’il ferait admirablement son affaire pour cataloguer ses livres, et lui fit l’offre très-avantageuse d’une guinée par semaine.

Plongé tout d’un coup dans un monde de livres, Léonard, à la vue de ces vénérables volumes, sentit renaître en lui ses anciens rêves de science. Cependant la collection de M. Prickett n’était pas considérable, mais indépendamment des livres classiques ordinaires, sa librairie en contenait quelques-uns qui étaient rares et curieux. Léonard s’arrêtait en faisant le catalogue et prenait à la hâte quelques notes sur le contenu de chaque volume, à mesure qu’il passait par ses mains. Le libraire, qui était fou des vieux livres, était heureux de voir partager ses sentiments par son nouveau commis, goût qu’il n’avait jamais vu à aucun garçon de boutique. Il parla à Léonard de quelques éditions rares, et l’initia à une foule de mystères bibliographiques.

La boutique était des plus sombres et des plus sordides. Il y avait à la porte une échoppe contenant les livres à bon marché et les vieux bouquins, qu’examinaient sans cesse des groupes de passants ; et à l’intérieur, un bec de gaz était allumé jour et nuit.

Le temps s’écoulait rapide pour Léonard. Il ne regrettait plus les vertes campagnes ; il oubliait tous ses mécomptes ; il cessa même de penser à Hélène. Ô étrange passion de la science ! nulle n’absorbe l’homme plus que toi.

M. Prickett était célibataire ; il pria Léonard de dîner avec lui et de partager une épaule de mouton froid. Pendant le dîner, le garçon resta à garder la boutique, et M. Prickett se montra véritablement aimable, communicatif, et si bienveillant pour Léonard, que celui-ci