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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/333

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jusqu’aux portes du Parlement. Un débat, qui excitait un vif intérêt général, avait lieu ce soir-là même. Un grand nombre de personnes étaient rassemblées dans la rue pour voir passer les membres des Communes.

Léonard s’arrêta au milieu de ces gens désœuvrés, sans partager le moins du monde leur curiosité. Par-dessus toutes ces têtes il regardait avec des yeux absorbés la grande abbaye funéraire, l’impérial Golgotha des poètes, des généraux et des rois.

Tout à coup il entendit prononcer un nom qui déplaisait à ses oreilles.

« Comment allez-vous, monsieur Randal ; vous venez entendre la discussion ? disait un membre du Parlement qui traversait la foule.

— Oui. M. Egerton m’a promis de me faire entrer dans une tribune, il doit parler ce soir, et je ne l’ai jamais entendu. Voudriez-vous lui rappeler la promesse qu’il m’a faite ?

— Maintenant c’est impossible, car il parle déjà et il parle bien. J’arrive en toute hâte de l’Athenæum.

— C’est très-fâcheux, dit Randal, je ne croyais pas qu’il dût parler de si bonne heure.

— C… l’a fait lever en lui adressant une attaque personnelle. Mais suivez-moi, peut-être pourrai-je vous faire entrer. Un homme comme vous, Leslie, dont nous attendons tous de grandes choses, ne doit pas laisser échapper une pareille occasion. Venez. »

Le député se dirigea promptement vers la porte, et au moment où Randal le suivait, un des curieux s’écria : « Voilà le jeune homme qui a écrit ce fameux pamphlet… le parent d’Egerton.

— Bah ! dit un autre. C’est un homme très-habile qu’Egerton. Je l’attends en ce moment.

— Moi aussi !

— Mais vous n’êtes pas comme moi de ses électeurs !

— Non, mais il a été très-bon pour mon neveu, et je veux le remercier. Il fait honneur à votre ville.

— Oui, certes ; c’est un homme éclairé !

— Et si généreux !

— Qui propose généralement de très-bonnes mesures.

— Et qui pousse les jeunes gens intelligents ! » dit l’oncle.

Deux ou trois autres personnes se joignirent à l’éloge qu’on faisait d’Audley Egerton et on cita plusieurs exemples de sa libéralité. Léonard écouta d’abord avec indifférence, puis ensuite avec grande attention. Il avait déjà entendu Burley parler en termes flatteurs de cet homme d’État. Il se rappela aussitôt qu’Egerton était presque le frère du squire. Une vague idée, non de faire appel à la charité de cet éminent personnage, mais de lui demander du travail intellectuel, naquit dans son esprit.

Pendant qu’il se livrait à ces méditations, la porte du Parlement s’ouvrit et Audley Egerton parut. Quelques applaudissements, accompagnés d’un murmure flatteur, firent comprendre à Léonard qu’il était