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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/344

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puyée sur le parapet. Le chien, qui précédait son maître, passa à côté de cette figure solitaire et la flaira d’un air de défiance.

« Néron ! ici, monsieur ! » dit Harley.

Néron ! c’était le nom qu’Hélène avait entendu donner à son chien, par l’ami de son père. Cette voix fit tressaillir Léonard qui, le cœur défaillant, s’appuyait sur la borne. Il leva la tête et regarda avidement le visage de Harley. Les yeux si brillants, si limpides, si étrangement rêveurs, qu’Hélène lui avait décrits, rencontrèrent les siens et les fascinèrent. Car L’Estrange s’était aussi arrêté : le visage du jeune homme ne lui était pas tout à fait étranger. Il le regarda de nouveau et reconnut l’étudiant de la boutique du libraire.

« Ce chien est inoffensif, dit L’Estrange en souriant.

— Et vous l’appelez Néron ? dit Léonard en contemplant l’étranger.

Harley se trompa sur le sens de la question.

— Oui, monsieur, Néron : mais il n’a rien des penchants sanguinaires de son homonyme romain. »

Harley s’apprêtait à continuer son chemin lorsque Léonard lui dit en tremblant.

« Pardonnez-moi, monsieur, mais serait-il possible que vous fussiez la personne que j’ai vainement cherchée, dans l’intérêt de la fille du capitaine Digby ? »

Harley s’arrêta brusquement.

« Digby, s’écria-t-il, où est-il ? Il aurait dû me trouver facilement. Je lui ai donné mon adresse.

— Ah ! Dieu soit loué ! s’écria Léonard. Hélène est sauvée : Elle ne mourra pas ! » et il éclata en sanglots.

Quelques mots suffirent pour expliquer promptement à Harley l’état dans lequel se trouvait la pauvre orpheline, la fille de son vieux compagnon d’armes. Harley fut bientôt dans la chambre de la jeune malade, appuyant le front brûlant d’Hélène sur sa poitrine et murmurant à son oreille ces mots : Courage, courage ! votre père revit en moi. »

Alors Hélène levant les yeux lui dit : « Mais Léonard est mon frère, plus que mon frère, et il a plus besoin que moi des soins d’un père.

— Chut ! chut ! Hélène. Je n’ai besoin de rien ni de personne, maintenant, » s’écria Léonard, et ses larmes tombèrent sur la petite main qui serrait la sienne.


CHAPITRE XV.

Harley L’Estrange était un homme que le côté romanesque et poétique de la vie humaine impressionnait vivement. Quand il sut quels nœuds rattachaient ces deux enfants de la nature qui