Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gnements est tout-puissant et me veut du bien ; il y a ajouté un avis que j’ai résolu de suivre. « Un des partisans de votre parent, m’a-t-il dit, a représenté au conseil que l’exilé pouvait fournir un otage de sa loyauté dans la personne de sa fille ; que celle-ci était en âge d’être mariée, et qu’en lui faisant épouser, avec le consentement de l’empereur, un homme dont l’attachement à l’Autriche fût hors de doute, on obtiendrait ainsi, à la fois, une garantie de la fidélité du père, et de la transmission d’un héritage si important entre des mains sûres et loyales. Pourquoi, continua mon ami, ne demanderiez-vous pas à l’empereur de consentir à cette alliance pour vous-même, vous sur qui il peut compter, vous qui, si la jeune fille venait à mourir, seriez l’héritier légal de ces domaines ? » J’ai agi selon ce conseil.

— Vous avez vu l’empereur ?

— Oui, et après avoir combattu ses injustes préventions, je lui ai affirmé que, bien loin que mon cousin eût aucune cause réelle de ressentiment contre moi, je ne doutais pas que lorsque je lui aurais tout expliqué, il ne m’accordât volontiers la main de sa fille.

— Vous lui avez dit cela ? s’écria la marquise stupéfaite.

— Et, continua le comte avec un calme imperturbable en caressant d’une main distraite les plis de neige de sa chemise, j’ai ajouté que j’aurais ainsi le bonheur de devenir moi-même le garant de la loyauté de mon cousin, l’agent de la restitution de ses biens et de ses honneurs, tandis qu’aux yeux des envieux et des méchants, je me laverais du soupçon de lui avoir fait tort.

— Et l’empereur a consenti ?

— Parbleu ! ma chère sœur, comment Sa Majesté eût-elle fait autrement ? Ma proposition détruisait tous les obstacles et conciliait la politique avec la clémence. Il ne me reste donc qu’à découvrir, ce qui jusqu’ici a échappé à toutes mes recherches, la retraite de notre bien-aimé parent, et à faire agréer mes soins par la demoiselle. Il y a à la vérité entre nous quelque différence d’âge ; mais, à moins que votre sexe et mon miroir m’aient beaucoup flatté, je puis encore, je crois, l’emporter sur un rival de vingt-cinq ans. »

Le comte dit ces mots avec un si charmant sourire, et il était véritablement si beau, qu’en lui la fatuité paraissait aussi gracieuse que jadis chez les éblouissants héros de la grande comédie parisienne.

Puis, entrelaçant ses doigts et appuyant légèrement ses mains ainsi réunies sur l’épaule de sa sœur, il la regarda en face, et lui dit doucement :

« Et maintenant, chère sœur, permettez-moi de vous faire un reproche. N’avez-vous pas complètement échoué dans la tâche que j’avais imposée à votre affection ? N’y a-t-il pas plusieurs années que vous êtes venue en Angleterre avec la mission de découvrir nos dignes parents ? Ne vous avais-je pas suppliée de séduire, de prendre dans vos filets l’homme que je sais être mon ennemi, et qui, je n’en