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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/106

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jours qu’il croyait avoir encore à vivre, et qui malheureusement vécut trop longtemps, acheva Audley en souriant, mais ce sourire était froid comme un rayon de soleil brillant sur la glace. Il reprit d’un ton ferme : Je suis préparé à l’avenir qui m’attend ; je savais depuis longtemps comment tout ceci finirait, si je quittais le pouvoir avant de mourir. Je le savais avant que vous ne vinssiez chez moi, c’est pourquoi je vous ai parlé comme j’ai fait, jugeant de mon devoir de vous prémunir contre les espérances qu’autrement vous auriez pu naturellement concevoir. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet. Vous serez sans doute surpris, vous me blâmerez peut-être, de ce que moi, qui ai la réputation d’un homme pratique et méthodique dans les affaires de l’État, j’ai été si imprudent quant aux miennes.

— Oh ! monsieur, vous ne me devez pas de comptes.

— Je vous en dois, du moins autant qu’à tout autre. Je suis un homme isolé ; mes parents n’ont pas besoin de moi ; j’avais le droit de disposer à mon gré de la fortune que je possédais, et si je l’ai dépensée imprudemment pour moi-même, je n’ai fait du moins aucun tort aux autres. Je me suis efforcé depuis plusieurs années d’échapper pour ainsi dire à la vie privée, à ses douleurs, à ses joies, à ses affections, et quant à ses devoirs, ils n’existaient pas pour moi. — J’ai dit. »

En finissant, le ministre ferma machinalement le couvercle d’un des coffres de fer, puis il appuya le pied dessus.

« Maintenant, reprit-il, parlons de votre carrière. À la vérité, je vous avais averti qu’en vous attachant à moi, vous mettiez à la loterie, mais vous aviez plus de chance d’amener un lot qu’un billet blanc ; cependant c’est un billet blanc qui est sorti ; et la question devient grave. Qu’allez-vous faire ?

— Continuer à me diriger d’après vos conseils.

— Mes conseils, dit Audley avec quelque émotion, seraient peut-être rudes et amers. — Je préfère vous proposer d’opter. D’un côté, il s’agit de recommencer votre vie ; je vous ai dit que je conserverais votre nom sur les livres de l’Université. Vous pouvez y retourner, y prendre vos grades, et ensuite entrer dans le barreau ; vous avez justement le genre de talent propre à réussir dans cette profession. Le succès viendra lentement, mais avec de la persévérance il est certain. Et croyez-moi, Leslie, l’ambition n’est douce qu’autant qu’elle n’est qu’un nom plus grandiose pour l’espérance. Qui se soucierait d’une queue de renard, si l’animation de la chasse n’en avait fait une conquête.

— Retourner à Oxford ! C’est reculer bien loin, dit Randal d’un air sombre, et sans tenir compte de la condescendance inaccoutumée d’Egerton, c’est faire un grand pas en arrière, et vers quoi ? Vers une profession dans laquelle on ne commence à s’élever que lorsqu’on a des cheveux gris. Et puis comment vivre d’ici là ?

— Que ceci ne vous inquiète pas. Je crois pouvoir du moins vous assurer sur les débris de ma fortune, le modeste revenu nécessaire à un étudiant en droit.