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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/118

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mere, et il prétend me dicter un choix, ou du moins m’enjôler pour me faire nommer des hommes à lui. Cependant nous sommes d’accord sur un point. Vous désirez, m’a-t-il dit, entrer au Parlement ; vous me paraissez un garçon capable ; mais il faut que vous laissiez là votre patron et que vous marchiez avec l’opinion publique et avec moi.

— Vous êtes bien bon, Aveuel ; peut-être en comparant nos opinions nous apercevrons-nous qu’elles ont beaucoup de rapport. Cependant dans la position actuelle d’Egerton, la délicatesse me prescrit… Mais ne parlons pas de cela pour le moment. Vous croyez donc que je pourrais réellement être nommé à Lansmere malgré l’influence de lord L’Estrange qui y est tout-puissante ?

— Elle y était toute-puissante, mais j’y ai mis bon ordre.

— Pensez-vous que la lutte serait très-coûteuse ?

— Dame ! Je crois que vous feriez bien d’arriver avec de l’argent comptant ; mais, comme vous dites, il sera temps de discuter cela lorsque vous aurez réglé vos comptes de délicatesse. La chose faite, venez me trouver, et nous causerons. »

Randal savait maintenant ce qu’il voulait ; il quitta donc le bras d’Avenel, et regardant à sa montre, il découvrit qu’il lui restait à peine le temps d’arriver à un rendez-vous important ; il prit un fiacre et s’éloigna.

Dick parut triste et vexé d’être ainsi laissé seul ; il bâilla bruyamment au grand scandale de trois vieilles filles de Belgrave-Square qui passaient auprès de lui ; puis sa pensée se tourna vers sa manufacture de Screwstown, cause première de ses relations avec le baron ; il songea à une lettre, qu’il avait reçue le matin même de son contremaître et qui l’informait que son rival, M. Dyce, allait faire venir de nouvelles machines construites d’après un système bien supérieur à celui des anciennes ; le susdit M. Dyce était, disait-on, en ce moment même à Londres, sollicitant un brevet pour une découverte applicable à ces nouvelles machines qui, si l’on en croyait ce gentleman, « obligeraient M. Avenel à fermer sa manufacture avant que l’année fût révolue. » À mesure que les menaces de cette épître lui revenaient en pensée, M. Avenel perdait toute envie de bâiller. Sa figure s’assombrit et il marcha devant lui à grands pas jusqu’à ce qu’il se trouva dans le Strand. Il monta alors dans un omnibus et se rendit à la Cité, où il passa le reste du jour à examiner des machines et à s’efforcer de deviner quelle pouvait être la diabolique invention de son compétiteur.