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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/132

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dente pour le malheur de ma sœur, que j’ose vous demander de rester ici et de m’aider à me consulter avec le baron Lévy. »

Frank allait exprimer tout le plaisir qu’il éprouvait à l’idée de se rendre utile à la marquise, lorsqu’on entendit frapper à la porte de la rue, et presque aussitôt le baron entra.

« Ouf ! fit-il en s’essuyant le front et se laissant tomber dans un fauteuil comme un homme épuisé de fatigue. Ouf ! voici une mauvaise affaire ; et rien au monde, mon cher comte, ne peut nous sauver, si ce n’est de l’argent comptant.

— Vous connaissez mes affaires, Lévy, dit Peschiera en secouant tristement la tête, et vous savez que, dans quelques mois, quelques semaines peut-être, je serai en état de payer facilement les dettes de ma sœur, quel qu’en soit le montant ; cependant, en ce moment, et dans un pays étranger, il m’est impossible de le faire. L’argent que j’ai apporté est presque entièrement dépensé ; ne pourriez-vous m’avancer la somme nécessaire ?

— Impossible ! M. Hazeldean connaît l’embarras dans lequel je suis moi-même.

— En ce cas, il ne nous reste qu’à emmener ma sœur et à laisser s’opérer la saisie. Je vais toujours aller trouver mes amis et voir ce qu’ils pourront me prêter.

— Hélas ! fit Lévy se levant et allant vers la fenêtre, nous ne pouvons emmener la marquise, c’est là le pis. Regardez ! vous voyez ces trois hommes, ils ont un mandat contre elle ; si elle met le pied hors d’ici, elle est arrêtée[1].

— Arrêtez ! Arrêtez ! s’écrièrent à la fois Frank et Peschiera.

— J’ai fait tout mon possible pour empêcher cet affront, mais inutilement, dit le baron avec tristesse. Les marchands anglais, voyez-vous, se méfient toujours des étrangers. Mais nous obtiendrons, j’espère, de fournir caution ; il ne faut pas qu’elle aille en prison.

— En prison ! » répéta Frank éperdu, et il attira Lévy à l’écart. Le comte semblait paralysé par la honte et la douleur. Se rejetant en arrière sur le sofa, il couvrit son visage de ses mains.

« Ma sœur ! s’écria-t-il en gémissant ; la fille d’un Peschiera, la veuve d’un di Negra ! » L’orgueilleuse douleur de ce grand patricien avait quelque chose de touchant.

« Quelle est la somme ? » dit tout bas Frank, craignant d’être entendu du pauvre comte ; mais Peschiera paraissait trop accablé et trop abasourdi pour pouvoir entendre quoi que ce soit.

« Nous pourrions faire face à tout avec cinq mille livres. Ce n’est rien pour Peschiera, qui est immensément riche. Entre nous, je doute qu’il se trouve réellement sans argent comptant. Cela est possible, mais….

— Cinq mille livres ! Je ne pourrais jamais me procurer une pareille somme !

  1. La loi de mesne process existait encore à cette époque.