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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/159

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naissez-vous si mal votre père, que vous le croyiez capable de sacrifier son orgueil à son intérêt ? Je ne sais s’il consentirait à recevoir ma visite, mes explications, mais à coup sûr il refuserait de racheter ses biens, en donnant sa fille à celui qu’il croit son ennemi, en la sacrifiant à son ambition personnelle. Mais si je pouvais me présenter à lui avec votre sanction, si je pouvais lui dire : « Votre fille consent, malgré tout ce qui pourrait vous sembler un obstacle, elle m’accorde librement sa main, elle me confie son bonheur et joint ses prières aux miennes, » je serais alors certain du succès, et l’Italie me pardonnerait mes fautes et bénirait votre nom. Ah ! signorina, ne voyez, dans une union avec moi, que le moyen de remplir des devoirs si sacrés ; ne pensez qu’à vos ancêtres, à votre père, à votre pays, et ne rejetez pas cette occasion de prouver combien vous les aimez ! »

Il avait touché la corde sensible. Violante releva la tête ; le sang colora de nouveau son visage, et elle tourna ses beaux yeux vers le vil tentateur. Elle allait répondre et sceller son sort, lorsque la voix d’Harley se fit entendre à quelque distance, et Néron vint en bondissant se jeter entre elle et Peschiera. Le comte recula, et Violante, dont les regards étaient fixés sur son visage, tressaillit au changement qu’elle y aperçut. Un éclair de rage suffit à dévoiler les sinistres secrets de sa nature ; c’était l’expression du gladiateur vaincu. Il n’eut le temps que d’ajouter quelques mots :

« Il ne faut pas qu’on me voie ici, murmura-t-il ; mais trouvez-vous-y demain à la même heure. Je vous conjure, pour l’amour de votre père, au nom de ses espérances, de sa fortune, de sa vie même, de permettre que je vous revoie, et de me garder le secret. Adieu ! »

Il disparut parmi les arbres, et se retira mystérieusement et sans bruit comme il était venu.


CHAPITRE XLVII.

Les derniers mots de Peschiera résonnaient encore à l’oreille de Violante lorsque Harley parut, et le son de sa voix dissipa l’espèce de stupeur qui avait envahi tout son être. Avec cette voix lui revenait la conscience d’une perte immense, le sentiment d’une insupportable angoisse. Se retrouver en face d’Harley en un pareil moment et dans l’état où elle était, lui paraissait impossible. Elle se leva vivement et se dirigea vers la maison. Harley l’appela, mais elle ne répondit point et hâta sa course. Il s’arrêta un moment surpris, puis, pressant le pas, il l’eut bientôt rejointe.

« Sous quel étrange tabou suis-je donc aujourd’hui placé ? Je demande Hélène, on me dit qu’elle est malade et qu’elle ne peut me voir. Je viens pour me réchauffer au soleil de votre présence, et vous