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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/160

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me fuyez comme si les dieux et les hommes avaient mis un signe sur mon front. Mais, qu’est-ce donc ? Vous pleurez, chère enfant ?

— Ne m’arrêtez pas en ce moment, ne me parlez pas, répondit Violante à travers ses sanglots.

— Quoi ! vous avez un chagrin sous le toit de mon père, et vous refusez de me le confier ? C’est cruel à vous, » dit Harley avec un accent d’indicible tendresse. Violante n’osait parler. Honteuse de s’être ainsi trahie, encore attendrie par la voix suppliante d’Harley, elle eût souhaité que la terre s’entr’ouvrît devant elle. À la fin, arrêtant ses larmes par un héroïque effort de volonté, elle lui dit presque avec calme :

« Excusez-moi ; je n’ai, croyez-moi bien, aucun chagrin que je… que je puisse vous confier. Je songeais seulement à mon pauvre père ; j’étais, à son sujet, sous l’empire de craintes vaines et superstitieuses ; dans cette disposition, il a suffi d’une légère surprise, de votre brusque apparition pour me rendre ainsi faible et déraisonnable. Mais je voudrais voir mon père, retourner près de lui.

— Votre père se porte bien, croyez-moi, et il est heureux de vous savoir près de nous ; aucun danger ne le menace, et, quant à vous, vous êtes ici en sûreté.

— En sûreté ; et contre quoi ? »

Harley réfléchit et hésita un instant. Il était disposé à lui révéler le danger qu’elle courait ; mais en avait-il le droit contre la volonté de Riccabocca ?

« Donnez-moi, dit-il, le temps de réfléchir et d’obtenir la permission de vous confier un secret qu’à mon avis vous devez connaître. Je puis toujours vous dire que plutôt que de vous voir exposée à ce danger, qu’il s’exagère, je crois, votre père vous eût donné pour protecteur… Randal Leslie lui-même. »

Violante tressaillit.

« Mais, reprit Harley avec un calme à travers lequel perçait, sans qu’il en eût conscience, une profonde tristesse, mais j’espère qu’une destinée meilleure et un plus noble époux vous sont réservés. J’ai résolu de vivre désormais de la vie pratique et positive, mais, lorsqu’il s’agit de vous, je me prends à rêver encore. »

Violante tourna un instant les yeux vers celui qui lui parlait. Ce regard pénétra jusqu’au cœur d’Harley. Il baissa involontairement la tête. Lorsqu’il la releva, Violante n’était plus près de lui. Il n’essaya pas cette fois de la suivre, il s’enfonça dans une allée détournée et disparut parmi les arbres dépouillés.

Au bout d’une heure, il rentra dans la maison et demanda de nouveau Hélène. Elle était maintenant en état de lui accorder l’entretien qu’il désirait.

Il s’approcha d’elle avec une douceur tendre et sérieuse.

« Chère Hélène, dit-il, vous avez consenti à devenir ma femme, la douce compagne de ma vie ; je voudrais que ce fût bientôt… bientôt, car j’ai besoin de vous. J’ai besoin de la force que donne ce lien sacré. Hélène, permettez-moi de vous presser de fixer l’époque.