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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/185

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ton sans qu’aucun soupçon vînt ternir de son souffle le miroir de son âme loyale.

Audley, impatient, comme le sont toujours les esprits vigoureux, d’accomplir ce qu’il avait résolu, de mettre un terme aux tortures que la jalousie et la honte lui infligeaient dans chacune de ses entrevues avec Harley, d’en finir avec les scrupules et de pouvoir se dire : « Bien ou mal, il n’y a plus à y revenir, c’est une chose faite ; » Audley, poussé par l’impétuosité de ses désirs, pressait Nora de consentir à un mariage secret, qui devait rester tel jusqu’à ce que sa carrière ne pût en être entravée.

Ce n’était pas là son motif le plus puissant. Il reculait devant l’idée d’avouer sa faute à son ami ; il en voulait différer l’humiliante confession jusqu’au moment où, il essayait de se le persuader, la passion d’Harley serait éteinte, aurait cédé aux distractions que le temps amènerait nécessairement.

Il ne confia pas à Nora ces derniers motifs de garder le secret ; il comprit que lui révéler l’étendue de sa trahison envers son ami, ce serait s’abaisser à ses yeux, il ne parla donc que légèrement de ce qui concernait Harley, et traita la passion de son ami comme une chose passée et sans importance. Il n’appuya que sur les raisons qui exigeaient un sacrifice, soit de sa part à lui, soit de celle de Nora.

Nora n’hésita pas sur le choix ; elle était si convaincue de la supériorité de son amant qu’elle imposa silence aux murmures de sa fierté, et ne mit pas un instant en doute la convenance de ce que celui-ci trouvait bon et sage.

Bien qu’il eût abandonné la prudence dans cette grande affaire, Audley conserva cependant sa circonspection accoutumée dans les détails. Il se montra tel qu’il devait être toute sa vie ; téméraire dans les grandes choses et prudent dans les petites. Il ne voulut point confier son secret à lady Jane Horton, encore moins à lady Lansmere. Il fit simplement observer à la première que Nora n’étant plus sous son toit à l’abri des poursuites d’Harley, mieux valait qu’afin de les éluder, elle se retirât pendant quelque temps chez une vieille parente à elle.

Ainsi donc, du consentement de lady Jane, Nora se rendit d’abord chez une parente éloignée de sa mère, puis la quitta bientôt pour aller habiter une maison qu’avait louée Egerton sous le nom de Bertram. Il s’était arrangé de manière à prévenir toute chance d’une découverte prématurée de leur mariage. Mais il arriva que, le matin même de la cérémonie, un des témoins qu’il avait choisis, un domestique de confiance, fut frappé d’apoplexie. Pressé de lui trouver un remplaçant, Egerton songea à Lévy, son procureur, son créancier, avec lequel il était lié aussi intimement que l’est, en général, un jeune homme du monde avec un homme de loi de son âge qui connaît toutes ses affaires, et a fait de son mieux, par amitié pure, pour les mettre dans l’état désastreux où elles sont.

Lévy fut donc appelé. Egerton ne lui révéla pas d’abord le nom de sa fiancée, mais il lui en apprit assez sur l’imprudence de ce ma-