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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/213

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— La future lady L’Estrange accueillera-t-elle sans jalousie une aussi belle personne ? Et vous même, mon pauvre ami, ne courrez-vous pas quelque danger ?

— Peuh ! fit Harley en rougissant. Violante aura deux pères, voilà tout. Ne plaisantez pas, je vous en prie, sur un sujet aussi sérieux et qui touche à l’honneur. »

La porte s’ouvrit de nouveau et on annonça Léonard.

« Soyez le bienvenu, dit Harley, heureux d’échapper au regard pénétrant du prince ; soyez le bienvenu. Voici le noble ami qui s’intéresse avec nous au sort de Riccabocca, et qui pourrait lui être si utile, si je parvenais à découvrir les documents dont je vous ai parlé.

— Les voici, dit Léonard simplement. Plaise à Dieu que cela vous suffise ! »

Harley ouvrit aussitôt le paquet et en examina rapidement le contenu.

« Hourra ! s’écria-t-il bientôt d’un air triomphant et en battant des mains comme un enfant. Voyez, voyez, prince ; voici les propres lettres de Peschiera à la femme de son parent ; son aveu de ce qu’il appelle « ses projets patriotiques, » ses supplications pour qu’elle persuade à son mari de s’unir à lui. Voyez comme il se sert de son influence sur la femme qui avait été sa fiancée ; avec quel artifice il combat ses objections ! Voyez combien notre ami avait de répugnance à agir avant que femme et parent ne se fussent ligués pour l’entraîner !

— Assez, assez ! cela suffit, s’écria le prince après avoir jeté un coup d’œil sur les passages indiqués par Harley.

— Non, ce n’est pas assez ! cria Harley en continuant de parcourir rapidement les lettres de Peschiera. En voici davantage ! Oh ! le fieffé coquin ! Voici, après la fuite de notre ami, l’aveu que fait Peschiera de sa passion coupable ; il convient lui-même qu’il s’est efforcé d’attirer son bienfaiteur à sa ruine, dans le but de souiller la maison qui l’avait abrité. Ah ! voyez comme elle le traite ! Grâce au ciel, ses yeux se sont ouverts, et elle l’a repoussé et méprisé avant de mourir. Elle était innocente ! J’en étais sûr ! La mère de Violante devait être pure ! Pauvre femme ! quel sort affreux ! Votre empereur a-t-il un cœur d’homme ?

— Je connais assez notre empereur, répondit le prince, pour affirmer que le jour où ces papiers seront mis devant ses yeux, la ruine de Peschiera et le rappel de son parent seront assurés. Vous aurez la joie de voir celle à qui vous vouliez donner la place d’une enfant à votre foyer, la plus riche héritière d’Italie, la fiancée de quelque noble amant dont le rang ne le cédera qu’à celui des têtes couronnées.

— Ah ! dit Harley ému et pâlissant, je ne verrai pas cela, car jamais je ne retournerai en Italie ! Je ne la verrai plus, non, plus jamais, lorsqu’une fois elle aura quitté ce froid climat, ce triste pays des soucis et des affaires ; puis il détourna la tête un moment, et en-