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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/218

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trez-vous constamment en public entouré de vos amis. Arrangez-vous de manière à pouvoir rendre compte de chacune de vos heures.

— Autrement dit, mettez-vous en mesure de produire un alibi, interrompit le ci-devant procureur.

— Précisément, baron. Terminez l’achat du vaisseau, et laissez le comte l’équiper comme il lui conviendra. Je vous verrai tous deux lorsqu’il sera temps d’agir. Pour aujourd’hui, j’ai beaucoup à faire ; mais comptez sur moi, ce sera fait. »

Puis Randal prit congé du comte, et Lévy le suivit.

« Ce que vous vous proposez est fort habile, je n’en doute pas, dit l’usurier passant son bras sous celui de Randal ; mais, prenez garde à ne pas vous mettre trop avant dans une mauvaise affaire qui ferait tort à votre réputation. J’ai de grandes espérances pour votre carrière politique, et un homme politique a besoin d’une bonne réputation ; — j’entends quant à ce qui touche l’honneur.

— Moi, exposer ma réputation !… et pour un Peschiera ! » fit Randal en ouvrant de grands yeux.

Le baron lâcha le bras de Randal.

« Décidément, ce garçon ira loin, » pensa-t-il en allant retrouver le comte.


CHAPITRE II.

Randal, avec sa pénétration habituelle, avait depuis longtemps deviné que le changement survenu dans les vues et le caractère de Béatrix était une de ces révolutions que la passion seule peut amener ; il avait remarqué que le désappointement avait eu part au consentement qu’elle avait accordé à Frank Hazeldean, et qu’au lieu de l’indifférence résignée avec laquelle elle aurait autrefois envisagé tout mariage qui l’eût délivrée d’une position si pénible à sa fierté, c’était maintenant avec une répugnance visible qu’elle songeait à accomplir la promesse que le pauvre Frank avait si chèrement payée. Les tentations que faisait luire le comte à ses yeux pour l’entraîner à devenir la complice de ses odieux projets, avaient cessé de l’émouvoir. Elle n’ambitionnait plus une dot qui n’aurait servi qu’à hâter un mariage qu’elle redoutait. Randal comprit qu’il ne pouvait espérer le concours de Béatrix qu’en faisant appel à une passion assez violente pour aveugler son jugement. C’était sur la jalousie qu’il comptait. Il avait d’abord douté qu’Harley fût l’objet de son amour ; n’était-ce pas cependant probable ? Les soupçons, du moins, ne pouvaient se porter sur aucun autre. S’il en était ainsi, il lui suffirait de dire tout bas à Béatrix : « Violante est votre rivale ; Violante partie, votre beauté produira sans doute son effet naturel ; et, sinon, vous êtes Italienne,