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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/22

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— Certainement, dès qu’il est en danger, » expliqua le patricien ; et le sybarite semblait devenu un Athénien.

Puis il s’informa avec empressement de son ami Audley, et lorsque sa curiosité fut satisfaite, s’enquit des nouvelles littéraires. Il avait beaucoup entendu parler d’un ouvrage récent ; il nomma celui que M. Dale attribuait au professeur Moss ; aucun de ses interlocuteurs ne l’avait lu.

Harley les accusa d’indolence et de stupidité dans son langage original et métaphorique, puis il dit : « Et les cancans du monde ?

— Nous ne les connaissons jamais, dit lady Lansmere.

— On parle beaucoup d’une nouvelle charrue, au Boodle, dit lord Lansmere.

— Que Dieu la conduise. Mais ne parle-t-on pas d’un homme nouveau au White ?

— Je ne fais pas partie du club de White.

— Néanmoins vous pouvez avoir entendu parler du comte de Peschiera ?

— Ah oui, dit lord Lansmere ; on me l’a montré l’autre jour dans le parc de Saint-James ; c’est un bel homme pour un étranger ; ses cheveux sont convenablement taillés, il a l’air distingué, on le prendrait pour un Anglais.

— Ah ! ah ! Il est donc ici ! » et Harley se frotta les mains.

« Quelle route as-tu prise ? Es-tu passé par le Simplon ?

— Non ; je suis venu tout droit de Vienne. » Puis racontant gaiement les petites aventures de son voyage, Harley continua d’amuser son père jusqu’à l’heure du coucher. À peine Harley fut-il dans sa chambre que sa mère l’y rejoignit.

« Eh bien, dit-il, il n’est pas besoin de vous demander si vous aimez miss Digby. Qui ne l’aimerait ?

— Harley, mon fils ! dit la mère fondant en larmes, sois heureux à ta façon, mais sois heureux, c’est tout ce que je te demande. » Harley très-ému répondit avec reconnaissance à cette tendre injonction, puis amenant sa mère à causer d’Hélène il lui demanda brusquement : « Et de nos chances de bonheur, de son bonheur à elle, autant que du mien, qu’en pensez-vous ? Parlez-moi franchement.

— Oh ! je ne saurais douter du bonheur d’Hélène, répliqua fièrement la mère ; et quant au vôtre, n’avez-vous pas vous-même décidé là-dessus ?

— Mais cependant cela encourage et fait plaisir de s’entendre approuver. Hélène a certainement un caractère d’une grande douceur.

— Je le crois comme vous, mais son esprit.

— Est richement orné.

— Elle parle si peu.

— Oui : je ne sais pourquoi ; c’est pourtant une femme !

— Peuh ! fit la comtesse en souriant malgré elle ; mais racontez-moi plus en détail ce que vous avez fait. Vous l’aviez prise encore enfant, et vous aviez résolu de l’élever selon vos idées. La tâche a-t-elle été facile ?