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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/21

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de la faculté créatrice. Egerton en revint à l’Angleterre ; il parla de la nature critique des événements, des droits de la patrie aux talents de tous ceux qui sont capables de la servir et de guider ses destinées. Il s’étendit chaleureusement sur les talents d’Harley, et se réjouit à l’idée qu’il revenait en Angleterre, sans doute pour y commencer une carrière brillante. Hélène parut surprise, mais son visage ne s’anima d’aucune lueur qui répondît à l’éloquence d’Audley. Il se leva, et une expression de désappointement passa sur ses nobles traits, puis s’y évanouit aussitôt

« Adieu, ma chère miss Digby, dit-il, je crains de vous avoir fatiguée avec ma politique. Adieu, lady Lansmere, je verrai sans doute Harley dès qu’il sera de retour. »

Puis il descendit rapidement, regagna sa voiture et donna ordre au cocher de le conduire à Downing-Street. Il baissa les stores et se renversa en arrière. Une certaine langueur se laissa voir sur son visage et deux ou trois fois il porta machinalement la main à son cœur.

« Elle est bonne, douce, aimable, et fera certainement une excellente épouse, se dit-il à mi-voix ; mais aime-t-elle Harley comme il a rêvé d’être aimé ? Non ! A-t-elle la puissance et l’énergie de réveiller ses facultés engourdies et de nous rendre le Harley d’autrefois ? Non ! La nature l’a destinée à être le reflet d’un soleil, non pas à être elle-même le soleil ; cette enfant n’est pas celle qui peut réparer le passé et illuminer l’avenir. »


CHAPITRE VI.

Ce même soir Harley L’Estrange arriva chez son père. Les quelques années qui s’étaient écoulées depuis que nous ne l’avons vu, n’avaient amené aucun changement remarquable dans sa personne. Ses mouvements avaient conservé l’élasticité de la jeunesse, et sa physionomie la singulière variété de jeu qui la caractérisait. Il paraissait heureux sans affectation de revoir ses parents et montrait quelque chose de la gaieté et de la tendresse d’un écolier qui rentre à la maison paternelle. Ses manières envers Hélène témoignaient du sentiment chevaleresque qui dominait dans son caractère, elles exprimaient l’affection mais aussi le respect. Celles d’Hélène envers lui étaient réservées, mais innocemment gracieuses et doucement cordiales. Harley était celui qui parlait davantage. L’aspect des affaires était si critique qu’il ne put éviter de faire quelques questions relatives à la politique. Il en parlait même avec plus d’intérêt qu’il n’avait encore fait ; lord Lansmere était ravi.

« Eh bien, Harley, tu aimes donc ton pays après tout ?