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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/222

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lord L’Estrange jusqu’à ce que Violante ait accepté ma main ou du moins jusqu’à ce qu’elle soit revenue sous votre protection ; sinon, reprenez votre lettre, elle serait inutile.

— Peut-être avez-vous raison ? Lord L’Estrange est certainement prévenu contre vous, ou plutôt, il pense trop à ce que j’ai été, trop peu à ce que je suis.

— Qui pourrait vous voir et ne pas faire de même ? Je le lui pardonne. » Et baisant la main avec laquelle l’exilé avait fait le geste de repousser cet hommage, Randal mit les lettres dans sa poche, et feignant de lutter contre son émotion, s’élança hors de la maison.


CHAPITRE III.

Hélène et Violante venaient de causer ensemble, et la première, obéissant à l’injonction de son tuteur, avait parlé d’une manière brève, mais positive, de son futur mariage avec Harley.

Quoique Violante fût préparée à cette confidence, quoiqu’elle eût clairement deviné cet engagement, qu’elle fût convaincue que le rêve de son enfance et de sa jeunesse était à jamais détruit, cependant la vérité positive, sortant de la bouche même d’Hélène, fut accompagnée pour elle d’une angoisse qui prouve combien il est impossible de préparer le cœur humain au verdict définitif qui anéantit son bonheur. Violante parvint cependant à cacher son émotion aux yeux peu clairvoyants d’Hélène ; la profonde douleur se trahit rarement. Mais au bout de quelque temps, elle se glissa hors de la chambre, et oublieuse de Peschiera, insoucieuse de tout danger, elle s’en alla seule et désolée, sous les arbres sans feuilles du jardin. Elle s’arrêtait parfois, murmurant toujours les mêmes mots : « Si elle l’aimait, je pourrais me consoler, mais elle ne l’aime pas ! ou comment eût-elle pu me parler avec tant de calme ! Comment ses regards eussent-ils été si tristes ? Elle n’a pas de cœur !… non, pas de cœur ! »

Elle se livra alors contre la pauvre Hélène à un amer ressentiment, qui prit bientôt le caractère du mépris, presque de la haine… l’excès même de son amertume la rappela à elle-même. « Suis-je donc devenue si basse ? se dit-elle, en versant des larmes d’humiliation, a-t-il donc suffi d’un instant pour me changer à ce point ? Oh ! c’est impossible ! »

Randal Leslie sonna, demanda à voir Violante, et l’apercevant au moment d’entrer dans la maison, s’avança hardiment vers elle. La jeune fille était appuyée contre un arbre, toujours murmurant sa plainte ; la voix de Randal la fit tressaillir.

« Je vous apporte une lettre de votre père, signorina, dit-il, mais