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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/229

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— Ah ! murmura Harley, cela peut être ; mais à votre âge et au sien rien ne reste longtemps dans l’esprit. Remarquez que je dis dans l’esprit, le cœur est plus tenace. »

Hélène soupira doucement mais profondément.

« C’est pourquoi, continua Harley comme se parlant à lui-même, lorsque l’esprit est préoccupé, nous découvrons qu’il y a là quelque crainte, quelque souci, quelque trouble. Mais lorsque le cœur se referme sur des douleurs bien autrement poignantes, qui peut les découvrir, qui peut les deviner ? Et cependant vous, du moins, ma pure, ma candide Hélène, vous pourriez soumettre votre cœur comme votre esprit à la fenêtre de verre de la fable.

— Oh ! non ! s’écria involontairement Hélène.

— Oh ! si ! Ne me donnez pas à penser que vous ayez un seul secret que j’ignore, un seul chagrin que je ne partage pas, car, dans notre position réciproque, ce serait pour ainsi dire me tromper. »

En parlant ainsi, il lui serra la main avec plus de tendresse encore que de coutume, et bientôt après la quitta.

Et pendant toute cette nuit, il sembla à Hélène qu’elle était coupable, et elle se sentit plus malheureuse que Violante elle-même.


CHAPITRE IV.

Le lendemain de bonne heure, tandis que Violante était encore dans sa chambre, le facteur apporta pour elle une lettre dont l’adresse était d’une écriture étrangère. Elle l’ouvrit et lut en italien ce que nous traduisons ici :

« Je serais heureuse de vous voir, mais je ne puis aller dans la maison où vous demeurez. Peut-être serait-il en mon pouvoir de mettre un terme à nos dissensions de famille, aux maux qu’endure votre père, peut-être aussi serais-je en état de vous rendre un service essentiel. Mais pour tout cela il est indispensable que nous nous voyions et que nous causions librement. En attendant, le temps presse : retarder est impossible. Voulez-vous vous trouver, à une heure après midi, dans la ruelle sur laquelle donne la petite porte de votre jardin ? J’y serai seule ; vous ne sauriez craindre de vous trouver avec une personne de votre sexe et de votre famille. Ah ! qu’il me tarde de vous voir ! Venez, je vous en supplie !

« Béatrix. »

Violante avait à peine achevé de lire ce billet, que déjà sa décision était prise. Naturellement hardie et disposée à tout braver dans l’es-