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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/231

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Violante se rapprocha, mais en hésitant encore.

« Non pas au moyen de mon union avec votre frère ? dit-elle.

— Vous redoutez donc beaucoup cette union ?

— Non ; pourquoi redouterais-je ce qu’il est en mon pouvoir de repousser. Mais si vous pouvez réellement rendre à mon père son pays par un moyen plus noble, vous pouvez me sauver de… »

Violante s’arrêta brusquement.

« Vous sauver de quoi ? Ah ! je devine ce que vous ne voulez pas dire. Mais venez, venez ! voici encore des passants ; vous me direz tout cela chez moi. Et si vous pouvez vous résigner à un seul sacrifice, je vous épargnerai tout le reste. Venez, ou je vous dis adieu pour jamais. »

Violante mit sa main dans celle de Béatrix avec une confiance simple qui fit monter aux joues de la marquise un sang accusateur.

« Nous sommes toutes deux, dit Violante, filles de la même noble maison ; toutes deux nous nous agenouillons devant la vierge Marie ; pourquoi ne me fierais-je pas à vous ?

— Pourquoi pas, en effet ? » murmura faiblement Béatrix. Puis elle passa devant, la tête basse, et tout l’orgueil de sa démarche avait disparu.

Elles atteignirent la voiture, qui attendait à l’angle de la ruelle ; Béatrix dit à voix basse quelques mots au cocher, qui était Italien et au service du comte. L’homme fit un signe de tête et abaissa le marchepied. Les deux dames montèrent. Béatrix tira les stores ; puis le cocher remonta sur son siège et fouetta ses chevaux.

Béatrix, se renversant en arrière, poussa de sourds gémissements. Violante se rapprocha.

« Souffrez-vous ? dit-elle de sa voix tendre et harmonieuse, ne puis-je vous être utile, à vous qui voulez bien me servir ?

— Enfant, donnez-moi votre main et restez en silence pendant que je vous regarde. Ai-je été jamais aussi belle que cela ? Non, jamais ! — Et entre elle et moi, quels abîmes ! »

La marquise dit ces mots comme si elle eût parlé d’une personne absente, puis retomba dans le silence ; mais elle continua de regarder fixement Violante, dont les yeux, voilés de leurs longs cils, s’abaissèrent sous ce regard.

Soudain Béatrix tressaillit, et s’écriant :

« Non, cela ne sera pas ! elle mit la main sur le cordon.

— Qu’est-ce qui ne sera pas ? dit Violante surprise de ce cri et de ce mouvement. Béatrix s’arrêta ; sa poitrine se soulevait visiblement sous sa robe.

— Comme vous le dites, reprit-elle lentement, nous sommes toutes deux filles de la même maison ; vous repoussez la main de mon frère et cependant vous l’avez vu ; sa beauté charme les regards, son langage subjugue l’imagination. Il vous offre le rang, la fortune, la grâce de votre père et son rappel. Si je parvenais à vaincre les objections de votre père, à lui prouver que le comte n’a pas eu envers lui