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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/247

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lais, s’écria Frank. Cessez, cessez, ce cœur n’est-il pas toujours à moi ? »

Des larmes coulèrent des yeux de l’Italienne.

« Franck Hazeldean, je ne vous ai jamais aimé, dit-elle, ce cœur était mort pour vous comme il le sera désormais pour tout autre. Adieu ! Vous m’oublierez plus tôt que vous ne croyez ; et pour moi, je conserverai à jamais votre souvenir, comme celui d’un ami, d’un frère, si les frères étaient aussi tendres aussi généreux que vous. Maintenant, milord, donnez-moi votre bras, je veux aller retrouver le comte.

— Un seul mot, madame, dit Frank pâle et les dents serrées, mais calme et avec une expression de dignité jusque-là étrangère à sa physionomie ; un seul mot. Je puis être indigne de vous sous tous les rapports, mais un amour ardent, qui n’a jamais douté, jamais soupçonné, qui vous soutiendrait, vous défendrait, dût le monde entier vous accuser, un tel amour donne de la valeur à l’homme le plus vulgaire. Parlez-moi donc franchement. Par tout ce que vous tenez pour sacré en ce monde et en l’autre, je vous adjure de me répondre : avez-vous dit la vérité en déclarant que vous ne m’aviez jamais aimé ? »

Béatrix baissa la tête ; elle était humiliée devant la généreuse nature qu’elle avait trompée et peut-être parfois méprisée.

« Pardonnez-moi, pardonnez-moi, » dit-elle avec effort, la voix à demi brisée par un sanglot.

Frank crut qu’elle hésitait et son visage s’éclaira d’un rayon d’espoir. Elle leva les yeux et vit le changement de sa physionomie, puis jeta un regard vers l’endroit où Léonard se tenait debout, immobile et triste. Elle tressaillit et ajouta avec fermeté : « Oui, j’implore votre pardon car j’ai dit la vérité ; je n’avais plus de cœur à donner. Le mien, qui eût pu être mou comme la cire pour un autre, était pour vous de granit. »

Frank ne dit pas un mot de plus. Il demeura comme rivé à la place où il était, ne regardant pas même Béatrix lorsqu’elle passa devant lui appuyée au bras de lord L’Estrange. Il s’éloigna alors et alla attendre le bateau que les hommes descendaient le long du yacht.

Béatrix s’arrêta lorsqu’elle fut près de l’endroit où Violante répondait à voix basse aux questions inquiètes de son père. En s’arrêtant elle s’appuya davantage sur Harley.

« C’est votre bras qui tremble maintenant, milord, » dit-elle avec un sourire triste, et le quittant avant qu’il eût pu répondre, elle se pencha doucement vers Violante : « Vous m’avez déjà pardonné, dit-elle de façon à n’être entendue que de la jeune fille, et ce n’est pas du passé que je veux vous parler en ce moment. Votre avenir m’apparaît heureux et brillant. Aimez et espérez ; ce sont là les derniers mots de celle qui bientôt sera morte au monde ; croyez-moi, ils sont prophétiques ! »

Violante cacha sa rougeur sur la poitrine de son père, laissant sa main à Béatrix, qui la pressa sur son cœur. La marquise revint en-