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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/248

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suite vers Harley, pour disparaître avec lui dans l’intérieur du vaisseau.

Lorsque Harley reparut sur le pont, troublé et agité, il se tint à distance du duc et de Violante et entra le dernier dans le bateau qu’on venait de mettre à la rivière. Lorsque ses compagnons et lui mirent pied à terre, ils aperçurent le vaisseau glissant doucement sur la Tamise.

« Courage, Léonard, courage ! murmura Harley, vous vous affligez noblement, mais vous avez échappé au piège le plus fatal et le plus vulgaire de la vie civilisée, vous n’avez pas simulé l’amour ; mieux vaut que cette pauvre femme souffre pendant quelque temps d’une rude vérité que d’être l’éternelle victime d’un mensonge flatteur. Hélas ! mon cher Léonard, c’est seulement l’amour rêvé par les poètes qu’accompagnent les Grâces ; contre l’amour du cœur humain vient lutter la terrible destinée.

— Milord, les poètes ne rêvent pas lorsqu’ils aiment. Vous apprendrez que la profondeur des sentiments est en raison de la vivacité de l’imagination, lorsque vous lirez cette confession du génie et du malheur que j’ai laissée entre vos mains. »

Léonard se détourna. Harley le suivit des yeux avec un intérêt curieux, puis soudain il rencontra le regard doux, profond et reconnaissant de Violante.

« Destinée ! destinée ! » murmura-t-il.


CHAPITRE VIII.

Nous sommes à Norwood dans le salon du sage. Violante est depuis longtemps allée se reposer. Harley, qui avait accompagné le père et la fille jusque chez eux, cause encore avec le premier.

« En vérité, mon cher duc, disait Harley.

— Chut ! chut ! diavolo ! ne m’appelez pas encore duc. Me voici revenu chez moi, où je suis toujours le docteur Riccabocca.

— Eh bien, mon cher docteur, permettez-moi de vous dire que vous vous exagérez les droits que je puis avoir à vos remercîments. Il en revient une part à vos anciens amis, Léonard et Frank Hazeldean ; il ne faut pas non plus oublier le fidèle Giacomo.

— Continuez votre explication.

— J’ai d’abord appris par Frank, qu’un baron Lévy, un certain usurier fashionable, était sur le point d’acheter un yacht à lord Spendquick pour le comte Peschiera. Une courte entrevue avec le jeune lord me permit de surenchérir l’offre de l’usurier et de conclure un marché par suite duquel le yacht devint ma propriété ; la promesse que je fis d’aider Spendquick à se tirer des griffes de Lévy (ce à quoi