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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/252

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servi de refuge à des hommes poursuivis par la loi, abondait, à ce que nous avait dit Beppo, en passages secrets et souterrains, et avait plus d’une issue donnant sur la rivière. Dès la première sommation que nous aurions faite à la porte, les brigands pouvaient non-seulement se sauver, mais encore emmener leur prisonnière. La porte était massive et solide, et avant que nous fussions parvenus à la forcer on aurait pu faire disparaître toute trace de celle que nous cherchions. Le prince, de son côté, était désireux de saisir Peschiera en flagrant délit, de pouvoir dire à l’empereur et au ministre son parent, qu’il avait lui-même été témoin de l’indigne conduite du comte. En un mot, pendant que je ne songeais qu’à Violante, le prince se préoccupait aussi de votre rappel en Italie. Cependant laisser Violante dans cette horrible maison ne fût-ce qu’une heure, qu’une minute, exposée à l’arrivée de Peschiera, sans autre protection que la faible et fausse créature qui l’avait trahie et qui pouvait l’abandonner, c’était là une pensée insupportable. Que ne pouvait-il pas arriver entre la visite de Peschiera à la maison et sa réapparition sur le vaisseau, accompagné de sa victime ? Une idée me traversa l’esprit. Beppo devait conduire le comte à la maison : — si je pouvais accompagner Beppo sous un déguisement, entrer dans la maison, être moi-même présent ? — Je questionnai notre transfuge, je trouvai le plan plus facilement exécutable que je ne l’avais d’abord supposé. Beppo avait demandé au comte la permission d’emmener avec lui un frère accoutumé à la mer, et qui désirait quitter l’Angleterre. Je pouvais représenter ce frère. Vous savez que la langue italienne et la plupart de ses dialectes, génois, piémontais, vénitien, me sont aussi familiers, plus familiers, hélas ! que l’anglais d’Addison. La chose fut donc résolue. À partir de ce moment, je me sentis le cœur léger comme une plume, et l’intelligence aiguisée comme une flèche. Mon plan surgit dans mon esprit avec la rapidité de l’éclair. Il fallait que vous fussiez présent à bord du vaisseau, non-seulement pour assister à la chute de votre ennemi, mais encore pour recevoir votre enfant dans vos bras. Léonard alla vous chercher à Norwood avec la recommandation de ne pas définir trop nettement dans quel but, avant que vous ne fussiez à bord.

« Frank, accompagné de Beppo (car nous avions le temps de faire ces préparatifs avant minuit), alla visiter le yacht, en prenant avec lui Giacomo. Là notre nouvel allié, qui était familièrement connu de presque tout l’équipage pirate, sanctionné par la présence de Frank, l’ami et le futur beau-frère du comte, ordonna aux stipendiés de Peschiera de quitter le bâtiment et d’aller attendre de nouveaux ordres à terre, sous les auspices de Giacomo ; aussitôt que le vaisseau fut débarrassé de ces brigands (à l’exception de quelques-uns laissés pour ne pas exciter les soupçons et qui furent bientôt après enfermés à fond de cale), et lorsque Giacomo eut installé sa bande dans un cabaret où il les laissa buvant à sa santé des rations de grog illimitées, votre inappréciable serviteur fit tranquillement monter à bord les Italiens engagés à notre service, tandis que Frank se chargeait des matelots anglais.