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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/251

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son infâme perfidie, je suis dégagé de ma promesse. Mais comment le prouver ?

— La preuve viendra d’elle-même et naturellement, si nous sommes sur la bonne piste. Permettez-moi de poursuivre. Tandis que Léonard attendait près de cet hôtel, il en vit sortir Beppo lui-même, qui, après avoir échangé quelques mots avec les flâneurs, se dirigea rapidement vers Piccadilly. Léonard abandonna alors Leslie pour courir après Beppo, qu’il avait reconnu au premier coup d’œil. S’avançant vers lui :

« J’ai une lettre pour la marquise di Negra, lui dit-il tranquillement. Elle m’a recommandé de la lui envoyer par vous ; je vous ai cherché toute la journée. » L’homme tomba dans le piège, et cela d’autant plus aisément que, comme il l’a depuis avoué, il avait souvent été employé par la marquise à espionner Léonard, et qu’avec la perspicacité d’un Italien en affaires de cœur, il avait deviné le secret de sa maîtresse.

— Quel secret ?

— Son amour pour le jeune poète. Je trahis ce secret afin de lui donner quelque excuse d’avoir servi d’instrument à Peschiera. Elle avait cru Léonard amoureux de votre fille, et la jalousie l’avait entraînée à la trahison. Violante vous expliquera cela. Enfin l’homme tomba dans le piège et répondit : « Donnez-moi la lettre, signor, bien vite.

« — Elle est dans un hôtel tout proche d’ici. Venez-y avec moi, il y aura une guinée pour votre peine. »

« Sur quoi Léonard amena le susdit gentleman à mon hôtel, et l’ayant conduit dans ma chambre, l’y enferma et le laissa. En apprenant cette capture, le prince et moi, nous nous rendîmes aussitôt près du prisonnier. Il demeura d’abord sombre et silencieux ; mais lorsque le prince eut fait connaître son rang et son titre (vous savez la terreur superstitieuse qu’inspire aux Italiens de la basse classe un potentat autrichien), il changea de visage et tout son courage s’évanouit. Enfin, en employant tantôt les promesses, tantôt les menaces, nous obtînmes de lui tout ce que nous voulions savoir, et en lui offrant une récompense environ dix fois plus considérable que celle que le drôle eût pu attendre de son maître, nous réussîmes à l’enrôler corps et âme à notre service. C’est ainsi que nous connûmes la sombre maison où avait été conduite votre noble fille. Nous apprîmes aussi que le comte ne l’avait pas encore vue, espérant beaucoup de l’effet que produirait cette longue incarcération pour l’engager à la soumission. Peschiera devait se rendre près d’elle à minuit et la faire alors transporter sur le vaisseau. Beppo avait reçu l’ordre de mener la voiture à Leicester-Square, où Peschiera l’irait prendre. Le comte, comme l’avait présumé Léonard, s’était réfugié dans l’hôtel où était entré Randal Leslie. Le prince, Léonard, Frank (qui était alors à l’hôtel) et moi, nous tînmes conseil. Fallait-il se rendre sur-le-champ à la maison et avec le secours de la police en forcer l’entrée ? C’était là un plan très-hasardeux. Cette maison, qui en différentes circonstances avait