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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/259

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ce soit moi qui le dise. Je n’aurais jamais deviné qu’il eût tant de capacité. Et cependant, tandis qu’il était chez moi, il avait déjà dans son bureau le premier jet d’une invention qui me sauve aujourd’hui de la ruine, d’une ruine complète, du baron Lévy, du banc du roi, de la culbute enfin. Eh bien, je dis qu’un jeune homme de ce mérite doit entrer au Parlement. J’aime à pousser un parent, c’est-à-dire lorsqu’il peut me faire honneur. C’est dans la nature, les liens de famille sont sacrés, le sang parle ; et en outre, de même qu’une main frotte l’autre et qu’une jambe fait avancer sa compagne, les parents n’en font que mieux leur chemin dans le monde lorsqu’ils tirent ensemble et du même côté, en supposant toujours que ce soit des parents convenables et qu’ils tirent en haut, non pas en bas. J’avais pensé à me présenter moi-même pour Lansmere, il n’y a pas longtemps de cela. Le pays a besoin d’hommes comme moi, je le sais, mais j’ai idée que mieux vaut surveiller mes propres affaires. Je ne sais si le pays peut ou non se passer de moi, la stupide vieille engeance ! Mais quant à ma manufacture et à mes nouvelles machines, je suis certain qu’elles ne peuvent s’en passer. En un mot, puisque nous sommes complètement seuls, et que, comme je vous le disais tout à l’heure, il est inutile de faire usage de cette sorte de blague dont on se sert en public, cherchez ailleurs un siège pour M. Egerton que je hais à la mort (j’en ai le droit, je suppose, sans offenser Votre Seigneurie), et nous ferons nommer nos deux jeunes gens par le bourg libre et indépendant de Lansmere !

— Mais Léonard a-t-il le désir d’entrer au Parlement ?

— Il dit que non ; mais c’est une sottise. Si Votre Seigneurie veut bien lui signifier qu’elle désire ne pas lui voir perdre cette occasion de s’élever, et d’obtenir quelque chose d’avantageux de la nation, je suis certain qu’il vous doit trop pour hésiter à vous obéir, surtout lorsqu’il y va de son intérêt. En outre, il est bon qu’un de nous, Avenel, soit au Parlement. Si moi je n’ai ni le temps, ni la science nécessaires, et qu’il les ait, le bon sens veut donc que ce soit lui qui se présente. Et si un jour il peut faire quelque chose pour moi, non pas que j’aie besoin de rien, mais enfin un titre de baronnet serait un compliment adressé dans ma personne à l’industrie anglaise, et serait apprécié comme tel non-seulement par moi, mais encore par le public ; je dis donc que s’il pouvait faire quelque chose de ce genre, l’honneur en rejaillirait sur toute la famille — et s’il ne le peut pas, eh bien ! nous n’en serons pas moins bons amis pour cela.

— Avenel, dit Harley avec cette familiarité gracieuse dont le charme était presque irrésistible ; Avenel, si moi, votre concitoyen (car je suis né à Lansmere), je vous demandais, comme une grâce personnelle, d’oublier votre rancune contre Egerton, quelle qu’en puisse être la cause, et de ne pas vous opposer à son élection, tandis que notre parti ne combattrait pas non plus celle de votre neveu, n’y consentiriez-vous pas ? Voyons, en souvenir de notre cher Lansmere, et de tous les vieux sentiments d’affection et de