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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/261

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fût dit : « Grâce au ciel, je ne suis point obligé de présenter dans le monde ce terrible homme comme mon beau-frère ! »

Mais probablement Harley dans sa rêverie avait entièrement oublié Richard Avenel.

« Allons, je ne veux plus rêver ni au présent ni au passé, dit-il en se levant avec un soupir. Je veux m’attacher à l’idée de l’avenir. Les ménages les plus heureux, dit le philosophe français et avec lui plus d’un sage, sont ceux dans lesquels l’homme ne cherche qu’une douce compagne, et la femme qu’un calme protecteur. Je vais aller trouver Hélène. »

Au moment de fermer son bureau il se rappela les papiers que Léonard l’avait prié de lire. Il les prit d’une main indifférente dans l’intention de les emporter chez son père. Mais ses yeux tombèrent sur l’écriture, sa main trembla soudain et il recula de quelques pas, comme s’il eût reçu un coup violent. Puis il regarda attentivement les caractères et un cri sourd s’échappa de sa poitrine. Il se rassit et lut avidement.


CHAPITRE X.

Randal non sans inquiétude sur le ton de lord L’Estrange, dont il comprenait l’ironie cachée, se dirigea en toute hâte vers Norwood. Il trouva d’abord Riccabocca froid et silencieux. Mais il amena bientôt le sage à lui communiquer les soupçons que lord L’Estrange avait fait naître dans son esprit et il les dissipa promptement. Il motiva sur-le-champ ses visites à Lévy et à Peschiera. Il avait voulu voir Lévy parce qu’il le savait employé par le comte. Il avait appris du baron que le comte avait quitté l’Hôtel Mivart pour les environs de Leicester-Square. Il y était allé trouver Peschiera, était entré de force, l’avait ouvertement accusé d’avoir enlevé Violante ; ils avaient échangé des paroles blessantes, puis enfin un cartel s’en était suivi. Randal produisit le billet que lui avait écrit un officier de ses amis qu’il avait envoyé chez le comte une heure après avoir quitté celui-ci. Ce billet parlait d’arrangements pris pour une rencontre près de Cricket-Ground, le lendemain matin à sept heures. Randal montra ensuite à Riccabocca un autre mémorandum du même ami, constatant que Randal et lui s’étaient rendus sur le terrain et qu’ils y avaient vainement attendu Peschiera. Il faut convenir que Randal avait pris toutes les précautions désirables pour arriver à se justifier. S’il devait un jour échouer, ce ne serait jamais faute d’invention.

« De plus en plus inquiet, continua Randal, je me rendis chez Lévy qui m’apprit que le comte lui avait écrit pour le prévenir qu’il allait s’absenter d’Angleterre. De là je courus, dans mon désespoir,