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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/262

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jusque chez votre ami lord L’Estrange qui m’apprit que votre fille était en sûreté près de vous. Et bien que, ainsi que je viens de vous le prouver, je fusse prêt à risquer ma vie centre un duelliste aussi fameux que le comte, dans l’espoir de préserver Violante de ses desseins supposés, je suis heureux d’apprendre qu’elle n’avait pas besoin de mon bras inhabile. Mais comment et pourquoi le comte peut-il avoir quitté l’Angleterre après avoir accepté un duel ? Un homme si sûr de lui, et qui, dit-on, ne recule pas plus devant le danger que devant le crime ; expliquez-le-moi, vous qui connaissez si bien la nature humaine, expliquez-le-moi, je n’y puis rien comprendre. »

Le philosophe ne put résister au plaisir de raconter la découverte et l’humiliation de son ennemi ainsi que l’intelligence, la finesse, l’activité déployées par son ami. Randal apprit donc par degrés le drame de la nuit précédente. Il comprit que l’exilé avait maintenant toute raison d’espérer une prompte restauration de son rang et de ses biens. Violante serait alors en vérité une proie brillante, trop brillante peut-être pour lui, mais du moins il n’y renoncerait pas sans tenter un effort. Serrant donc convulsivement la main de son futur beau-père et détournant la tête comme pour cacher son émotion, le jeune et candide amoureux murmura : que maintenant que le docteur Riccabocca allait devenir le duc de Serrano, lui Randal Leslie de Rood, né gentilhomme à la vérité, mais appartenant à une famille ruinée, n’avait plus le droit de se prévaloir de la promesse qui lui avait été faite lorsque le père craignait pour l’avenir de sa fille, avec cette crainte était anéantie la promesse. Il priait le ciel de bénir le père et la fille !

Ce discours toucha le cœur et l’honneur de l’exilé. Randal Leslie connaissait son homme. Et bien que Riccabocca ne fût pas assez philosophe pour n’avoir pas éprouvé quelque satisfaction à la pensée de se trouver dégagé d’une alliance peu digne du rang qui allait lui être rendu, cependant nul Espagnol ne fut jamais plus esclave de la parole donnée que cet inconséquent élève de Machiavel. Et la probité de Randal lui étant maintenant démontrée, il lui renouvela l’offre de la main de Violante.

« Mais, dit en soupirant le prudent Randal, mais votre fille unique, votre seule héritière ! Votre consentement à un tel mariage (s’il était connu avant votre rappel) ne nuirait-il pas à votre cause ? L’Autriche permettrait-elle que vos terres, vos principautés devinssent le partage d’un obscur gentilhomme anglais ? Je n’ose le croire. Ah ! plût à Dieu que Violante ne fût pas votre héritière !

— C’est là un noble souhait, dit Riccabocca en souriant avec bonté, et les destins l’ont exaucé. Consolez-vous, Violante ne sera pas mon héritière.

— Ah ! s’écria Randal en respirant longuement, ah ! qu’entends-je ?

— Je vais devenir père une seconde fois. Et si j’en dois croire les recherches de plusieurs savants sur cet intéressant sujet, la science