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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/264

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pas d’autre enfant, ou que l’enfant qu’il attend meure en bas âge, une fois qu’il sera réconcilié avec son gouvernement et que ses domaines lui auront été rendus, la loi suivra son cours et Violante sera la plus riche héritière de l’Europe. Quant à la jeune fille elle-même, j’avoue qu’elle m’impose un peu ; je sais que je serai mené ; du reste, tous les maris estimables le sont ; il y a quelque chose de brutal à être le maître. » Ici le sourire de Randal eût pu être comparé « aux larmes de fer de Pluton, » mais tout de fer qu’était ce sourire, le jeune homme en fut honteux. « À quoi pensé-je, se dit-il presque à haute voix, d’être là à rire et à perdre mon temps, quand je devrais songer au moyen d’expliquer mes façons cavalières d’hier matin ? Moi qui m’étais cru si habile ! Mais qui pouvait prévoir le tour qu’ont pris les choses ? Voyons, réfléchissons ! La peste soit d’elle ! la voici. »

Mais Randal n’avait pas la finesse d’ouïe dont sont doués les amants véritables ; et à son grand soulagement, l’exilé rentra sans être suivi de Violante ; il avait l’air un peu embarrassé.

« Mon cher Leslie, dit-il, vous voudrez bien excuser ma fille aujourd’hui ; elle est encore souffrante des émotions de la nuit, et ne peut vous voir en ce moment. »

L’amant s’efforça de dissimuler sa satisfaction. « La cruelle ! dit-il. Cependant, je ne voudrais pour rien au monde lui imposer ma présence. J’espère qu’elle ne trouvera pas trop difficile d’obéir à vos ordres et de me confier le soin de son bonheur.

— À vous dire franchement, mon cher Randal, elle paraît pour le moment trouver cela plus difficile que je ne le prévoyais. Elle parle même de…

— D’un autre attachement. — Ô ciel !

— Un autre attachement, pazzie ! Qui a-t-elle vu ? Non… d’un couvent. Mais laissez-moi faire. Lorsqu’elle sera plus calme, elle comprendra qu’il n’est pas pour une fille de plus saint devoir que celui d’accomplir une promesse faite par son père. Et maintenant, si vous rentrez à Londres, voulez-vous vous charger de transmettre au jeune Hazeldean l’assurance de mon éternelle gratitude pour la part qu’il a prise à la délivrance de ma fille.

— Je comprends combien vous devez avoir besoin de repos, dit Randal, je vous quitte le plus heureux, le plus reconnaissant des hommes ! Je ferai votre commission envers Frank. »


CHAPITRE XI.

Curieux d’apprendre ce qui s’était passé entre Frank et Béatrix, et profondément intéressé dans tout ce qui pouvait faire perdre à Frank les bonnes grâces du squire, ou bien faire tort à ses propres vues en