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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/263

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parturitive, ma femme me donnera un fils. Il héritera naturellement du titre des Serrano. Et Violante….

— Violante n’aura rien, je suppose, s’écria Randal, s’efforçant de paraître ravi, jusqu’à ce qu’il eût pu tirer ses pattes du piège dans lequel il les avait imprudemment fourrées.

— La part de Violante, selon nos lois, sans parler de ce que fera pour elle mon affection, dépasserait encore de beaucoup les dots qu’apportent les filles des négociants de Londres aux fils des pairs d’Angleterre. Celui qui épousera Violante, si toutefois mes biens me sont rendus, devra se résigner aux soucis qui, à ce qu’assurent les poètes, accompagnent toujours les richesses.

— Ah ! fit Randal en gémissant, comme s’il pliait déjà sous le poids de ces soucis et sympathisait avec les poètes.

— Et maintenant, il faut que je vous présente à votre fiancée. »

Le pauvre Randal venait de parcourir en trois minutes ce que Schiller appelle la gamme du sentiment, depuis la corde du désespoir, lorsqu’un instant il avait cru que sa fiancée n’était pas l’héritière de son père, en remontant par les vibrations d’un agréable doute quant à la naissance du futur usurpateur de ses droits et aux prophéties de la science parturitive, jusqu’aux cordes les plus douces et les plus harmonieuses de la satisfaction en recevant l’assurance que, quoi qu’il arrivât, Violante serait toujours une fiancée plus riche que toutes celles qu’eût pu découvrir un fils de pair dans le Potose matrimonial de Lombard-Street : il ne lui fut cependant pas permis de reposer encore son âme épuisée et ravie. Car à l’idée de se trouver en présence de sa future, dont il avait presque oublié l’existence en songeant à la pluie d’or qu’il voyait tomber autour d’elle, Randal se rappela soudain l’excessive rudesse avec laquelle, lors de leur dernière entrevue, sa politique l’avait conduit à exprimer ses prétentions, et la nécessité d’un impromptu en rapport avec les nouvelles variations qui le faisaient descendre et monter si rapidement l’impitoyable gamme. Il ne pouvait cependant reculer devant la proposition de Riccabocca ; pour le préparer donc au récit que lui ferait sans doute Violante, il lui avoua que dans son impatience d’obtenir le consentement de sa fille et de la mettre à l’abri de Peschiera, il s’était montré rude et présomptueux.

Le philosophe, aux yeux duquel toutes les façons de faire la cour se valaient, lorsque le résultat en était une fois déterminé, sourit avec bienveillance, et donna à Randal une petite tape sur la joue en disant : « Bast ! hast ! pazzie ! » puis il quitta la chambre pour aller chercher Violante.

« Si la science est la puissance, se dit intérieurement Randal, l’habileté est aussi le bonheur, comme le montre miss Edgeworth dans l’histoire de Murad, le mal chanceux, que j’ai lue à Eton ; et, par parenthèse, c’est une histoire très-ingénieuse. C’est ainsi que tout me tourne à profit. Le salut de Violante, qui m’a enlevé les dix mille livres du comte, me rapportera dix fois autant, car Violante aura pour le moins cent mille livres en dot. Et si, après tout, son père n’a