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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/300

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Harley, après le premier jour où il s’était officiellement montré dans la Grande-Rue, ne patronnât pas ouvertement Randal, cependant lorsque les rapports lui arrivaient et qu’il y voyait les noms d’électeurs qui donnaient un vote à Egerton et refusaient l’autre à Randal, il disait à celui-ci déjà à demi mort de fatigue : « Échappez-vous avec moi dès que le dîner sera fini, avant de faire votre tournée dans les cabarets ; il y a quelques électeurs qu’il faut que nous décidions ce soir à voter pour vous. » Et presque toujours quelques mots bienveillants de l’héritier des baronnies de Lansmere, décidaient les électeurs dont Randal, leur eût-il prouvé clair comme le jour que le salut de l’Angleterre dépendait de sa nomination, n’aurait jamais obtenu autre chose qu’un : « Eh bien ! je verrons ça, quand le jour sera venu ! » Là ne se bornait pas la protection accordée par Harley au jeune candidat. S’il était tout à fait clair qu’un électeur ne pouvant donner qu’un vote aux bleus, ayant promis l’autre aux jaunes, L’Estrange, disait : « Eh bien ! donnez-le à M. Leslie ! » Et sa requête était d’autant plus volontiers obéie que les bleus considéraient la nomination d’Egerton comme assurée, et que les jaunes la croyaient seule à craindre.

En sorte que Randal, qui tenait une petite comptabilité particulière, se convainquit de plus en plus que ses chances étaient supérieures à celles d’Egerton, indépendamment même de l’aide furtive qu’il attendait d’Avenel, et il ne s’expliquait les efforts d’Harley en sa faveur, qu’en supposant que celui-ci, novice en fait d’élections et trompé par le comité bleu, croyait Egerton parfaitement en sûreté, et cherchait pour l’honneur des Lansmere, à assurer les deux sièges à son parti.

Les occupations de Randal au dehors lui ôtaient donc toute occasion de faire sa cour, et si par hasard il trouvait un moment pour se glisser près de sa fiancée, Harley ne manquait pas de l’envoyer aussitôt relancer un électeur indécis, ou haranguer un cabaret.

Leslie était trop sagace pour ne pas avoir pénétré la tactique d’Harley. Mais les manières de lord L’Estrange envers Violante ressemblaient si peu à celles d’un amant jaloux, et il avait été si nettement informé de l’engagement qui liait la jeune fille à Randal, que celui-ci renonça aux soupçons qu’il avait d’abord conçus, quant à la rivalité d’Harley. Il fut bientôt amené à croire que lord L’Estrange avait un motif plus désintéressé, et moins formidable, pour s’opposer ainsi à toutes les occasions qu’il avait de faire sa cour à l’héritière.

« Monsieur Leslie, lui dit un jour, lord L’Estrange, le duc m’a confié la répugnance qu’éprouve sa fille à ratifier la promesse qu’il vous a faite, et connaissant le vif intérêt que je porte à Violante, tant à cause de lui, qu’à cause d’elle, pensant aussi que les quelques services que je leur ai rendus peuvent me donner quelque influence sur sa fille, il m’a même prié de lui dire un mot en votre faveur.

— Oh ! si vous le vouliez ! dit Randal, surpris.

— Il faut que vous me mettiez en état de le faire. Vous avez bien voulu m’offrir de me communiquer les explications que vous avez