Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

données au duc, et qui l’ont décidé à renouveler ou à confirmer sa promesse. Si ces explications me paraissent aussi satisfaisantes qu’à lui, je regarderai le duc comme tenu de remplir son engagement, si je suis convaincu qu’en ce cas, sa fille ne sera pas inflexible. Mais, jusqu’à ce que j’aie reçu ces explications, mon amitié pour le père et l’intérêt que je porte à la fille ne me permettent pas de plaider une cause, qui, du reste, n’a pour le moment, rien à craindre d’un retard,

— Permettez que je vous donne sur-le-champ ces explications.

— Non, monsieur Leslie, je ne puis maintenant m’occuper que des élections. Dès qu’elles seront terminées, soyez sûr que je vous procurerai amplement l’occasion de dissiper les doutes qu’ont pu faire naître votre intimité avec le comte de Peschiera et la marquise di Negra. À propos des élections, voici une liste d’électeurs qu’il faut que vous voyiez sur-le-champ dans la ruelle au Poisson. Il n’y a pas un moment à perdre. »

Pendant ce temps, Richard Avenel et Léonard Fairfield s’étaient installés dans l’hôtel approprié aux candidats jaunes ; et la brigue de ce côté était menée avec toute la vigueur qu’on pouvait attendre d’opérations dirigées par Richard Avenel et appuyées par le sentiment populaire.

Les partis rivaux se rencontraient parfois au milieu des rues et des passages, dans toute leur pompe guerrière, bannières déployées, tambours au champ (car dans ce bon vieux temps les drapeaux et les couleurs étaient des preuves essentielles de l’esprit politique et d’indispensables item des mémoires d’un candidat). Lorsqu’on se rencontrait ainsi, les chefs respectifs échangeaient de loin des saints froids et hautains ; mais Randal s’arrangeait toujours de façon à passer tout près d’Avenel, et voyait avec satisfaction le sourire d’intelligence par lequel ce gentleman semblait lui dire : « Tout ira bien malgré cette satanée blague. »

Mais lorsque les deux partis furent complètement entrés en lice, aux sollicitations particulières vinrent s’ajouter les tournois oratoires.

Les candidats durent, chaque soir, après leurs visites de la journée, haranguer la foule dans des boîtes de bois, suspendues aux fenêtres de leurs hôtels respectifs, et assez semblables à celles dont on se sert pour l’exhibition des bêtes féroces. Il leur fallut aussi parler aux assemblées de comités, aux assemblées d’électeurs principaux ; parler, la nuit venue, dans des cabarets enthousiastes, et faire appel aux sentiments d’une population éclairée, au milieu de nuages de fumée, et à demi suffoqués par l’odeur de la bière.

L’indisposition d’Egerton lui épargna l’agitation des discours, aussi bien que la fatigue de briguer les suffrages. L’habile homme d’État avait résolu de borner l’usage de ses talents à l’exposition concise, mais claire et concluante, de ses vues sur les principales questions politiques à l’ordre du jour, qu’il avait faite le lendemain de son arrivée à Lansmere, à une assemblée de son comité général, dans