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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/310

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j’aurais tendrement aimé un fils, je n’en ai point, et Randal est pour moi une sorte de fils. Il continuera après moi mes opinions, mes vues, mes projets. »

Et Audley se tourna affectueusement vers Randal.

« Eh bien, Leslie, quelles nouvelles du canvass ?

— C’est Lévy qui a le livre, monsieur. Je crois que nous avons gagné dix votes pour vous, et peut-être sept pour moi.

— Permettez que je vous débarrasse de votre livre, baron, » dit Harley.

Au même moment Riccabocca et Violante regagnaient silencieusement la maison. L’Italien aperçut Randal et lui fit signe de les rejoindre. Le jeune prétendant jeta un regard craintif sur Harley, puis s’élança joyeusement vers Violante. Mais à peine Harley, surpris de la disparition de Randal, en eut-il aperçu la cause, qu’il abandonna avec la même promptitude la conversation à voix basse qu’il avait commencée avec Lévy, et allant retrouver Randal, il lui mit la main sur l’épaule en s’écriant : « Je vous demande mille pardons à tous trois ! mais je ne saurais permettre cette perte de temps, monsieur Leslie. Vous avez encore une heure de jour. Il y a trois électeurs à cinq milles d’ici ; ce sont des fermiers qui ont de l’influence, il faut que vous les voyiez vous-même ; l’intendant de mon père vous accompagnera. Allez à l’écurie et choisissez-y votre monture. À cheval ! à cheval ! — Baron Lévy, allez, je vous prie, dire à M. Smart de partir sur-le-champ avec M. Leslie, puis revenez me trouver. Vite ! Quoi, vous êtes encore là, monsieur Leslie ? Votre indolence et votre apathie me feront abandonner votre cause. »

Effrayé de cette menace, Randal leva les yeux au ciel, comme pour le prendre à témoin de la persécution qu’il endurait, et quitta Violante et son père.

Pendant ce temps Audley s’était rapproché de lady Lansmere, qui s’appuyait pensive sur la balustrade de la terrasse.

« Avez-vous remarqué, dit Egerton, comme Harley s’est élancé en avant dès qu’il a aperçu la belle Italienne ? Croyez-moi, j’avais raison. Je ne connais pas beaucoup cette jeune fille, mais cependant j’ai causé avec elle. J’ai suivi les mouvements de sa physionomie. Si Harley doit aimer encore, et si l’amour doit influencer et exalter son esprit, souhaitez comme moi que son choix se fixe du côté où penche son cœur.

— Ah ! plût à Dieu ! Hélène est charmante, je l’avoue, mais… mais Violante est son égale par la naissance ! Ne savez-vous pas qu’elle est promise à votre jeune ami, M. Leslie ?

— Randal me l’a dit, mais je ne puis le croire. J’ai sondé les inclinations de cette belle personne, et si je connais tant soit peu les femmes, son cœur n’est pas avec Randal. Je ne puis la croire assez faible pour se laisser contraindre, ni supposer que son père veuille l’obliger à un mariage qui serait presque une mésalliance. Randal s’abuse sans doute, et d’après quelques mots qui viennent d’échapper à Harley dans le court entretien que nous avons eu ensemble, je soup-