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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/309

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Et avec un aspect sévère que démentait intérieurement son cœur, l’exilé, se dégageant des bras de sa fille, s’éloigna.

Violante s’arrêta un instant ; elle frissonna, jeta un regard autour d’elle comme pour dire adieu à toute joie, à toute espérance, à toute paix ici-bas, et rejoignant son père d’un pas ferme, elle lui dit : « Je n’ai jamais été rebelle, mon père, je vous suppliais seulement. Vos paroles sont ma loi maintenant comme toujours, et quoi qu’il arrive, vous n’entendrez plus de moi ni une plainte ni un murmure. Pauvre père ! vous souffrirez plus que moi. Embrassez-moi. »

Une heure plus tard, vers la chute du jour, Harley rentrant de la promenade solitaire qui avait suivi sa conversation avec Hélène, rencontra sur la terrasse du château lady Lansmere au bras d’Egerton.

Harley avait enfoncé son chapeau sur son front, et ses yeux regardaient la terre, en sorte qu’il n’avait pas aperçu le groupe dont il approchait ; ce fut la voix d’Egerton qui le tira de sa rêverie.

« Mon cher Harley, dit l’ex-ministre avec un faible sourire, je ne vous laisserai pas passer ainsi, maintenant que les élections vous laissent un moment de répit ; bien que nous vivions sous le même toit, je vous vois si rarement, Harley ! »

Lord L’Estrange jeta vers sa mère un rapide coup d’œil, comme pour lui dire :

« Vous voici appuyée au bras d’Audley ; avez-vous tenu votre promesse ? »

Le regard qu’il rencontra le rassura à ce sujet.

« C’est vrai, dit-il à Egerton ; mais vous qui savez si bien que lorsqu’on est une fois occupé des affaires politiques, on ne songe plus aux liens de la vie privée, vous m’excuserez. Cette élection est si importante !

— Et vous, monsieur Egerton, qui y êtes le plus intéressé, dit la comtesse, vous semblez le seul indifférent au succès.

— Mais, cependant, vous ne l’êtes pas, indifférent ? dit vivement lord L’Estrange.

— Non, certes ; comment pourrais-je l’être lorsque tout mon avenir politique en dépend ?

— Voici votre protégé et aussi votre conseiller confidentiel, le baron Lévy, dit Harley. Il a accompagné Randal toute la journée, tant il est désireux de s’assurer que ce jeune homme ne triche pas et ne s’occupe pas de ses intérêts aux dépens des vôtres. Cela vous surprendrait-il ?

— Vous êtes trop sévère pour Randal. Il est ambitieux, intéressé, c’est vrai, et n’a pas de surplus d’affection dans le cœur…

— Est-ce de Randal que vous parlez ?

— Oui, fit Egerton avec un faible sourire ; vous voyez que je ne le flatte pas ; mais il est né gentilhomme, et comme tel il est incapable de descendre à une bassesse. Après tout, il ne peut s’élever qu’avec moi. Son intelligence même doit l’en convaincre. Mais encore une fois, je vous le répète, ne cherchez pas à lui nuire auprès de moi ;