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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/323

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fils et s’y procurer l’argent nécessaire à payer le post-obit. Lisez ce qu’il dit à ce sujet : « Pendant donc que j’étais en train d’hypothéquer (je n’eusse jamais cru que ce serait moi qui chargerais le domaine d’Hazeldean), je me suis dit que je ferais aussi bien d’ajouter vingt mille livres que dix mille à la première somme. Pourquoi t’endetter vis-à-vis de ce baron Lévy ? N’aie jamais affaire aux usuriers. Ta grand’mère était une Hazeldean, et c’est un Hazeldean qui t’avancera toute la somme nécessaire pour racheter les terres de Rood, dont quelques-unes sont, par parenthèse, d’excellentes terres légères. Quant au remboursement, nous en causerons plus tard. Si Frank et moi nous redevenons amis comme par le passé, mes domaines seront un jour à lui, et il t’aime trop pour regretter jamais l’hypothèque ; et si nous ne devons pas nous réconcilier, que me font des centaines et même des milliers de livres de plus ou de moins ? J’arriverai donc à Lansmere après-demain, au plus fort de la mêlée. Bats-moi ce manufacturier, mon garçon, et tiens bon pour la terre. Dis à Lévy de tenir les actes tout prêts. J’apporterai l’argent en billets de banque, avec une paire de pistolets dans les poches de mon paletot, en cas que des voleurs ne m’attaquent sur la route, ainsi qu’il est arrivé à mon grand-père, il y aura soixante ans vienne la Saint-Michel. Les élections de Lansmere me font songer aux pistolets, car je me suis une fois battu en duel avec un officier qui me logea une balle dans l’épaule droite, au sujet d’une élection à Lansmere, mais j’ai pardonné à Audley la part qu’il a prise à cette affaire. Rappelle-moi affectueusement à son souvenir. Ne va pas surtout avoir un duel à ton tour ; mais je suppose que les manufacturiers ne se battent guère, non pas que je veuille les en blâmer, loin de là ! »

La suite de la lettre exprimait l’étonnement et hasardait quelques conjectures au sujet du riche mariage que Randal avait annoncé au squire comme une surprise agréable.

« Il faut en vérité, dit Lévy, que vous ayez écrit plus habilement encore que vous ne parlez, ou bien le squire est un fier imbécile ! »

Randal sourit, mit la lettre dans sa poche et, en réponse aux appels réitérés de son parrain, sauta légèrement dans la voiture.

Harley parut également très-satisfait des lettres qu’on lui avait remises et rejoignit Lévy au moment où s’éloignaient les candidats.

« M. Leslie n’a-t-il pas reçu du squire, dit-il, une réponse à la lettre dont vous m’avez parlé ?

— Oui, milord, le squire sera ici demain.

— Demain ? Je vous remercie de me l’apprendre ; je vais lui faire préparer un appartement.

— Je crois qu’il ne restera que le temps nécessaire pour voir Leslie et moi, et faire le payement.

— Ah ! faire le payement ? Il consent donc ?

— Il apporte le double de la somme convenue, et paraît vouloir faire un don, là où Leslie n’avait demandé qu’un prêt. En vérité, milord, M. Leslie est un habile homme, et bien que je sois à vos ordres,