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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/344

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« Milord est sans doute très-occupé, car il a donné les ordres les plus sévères pour n’être pas dérangé.

— Occupé ? À quoi ? Avec qui ?

— Il est dans sa chambre, monsieur, avec un ecclésiastique qui est arrivé et a dîné ici aujourd’hui. J’ai entendu dire que c’est un ancien vicaire de Lansmere.

— Vicaire de Lansmere ! Son nom ? son nom ? Ce n’est pas Dale ?

— Si monsieur, on l’appelle le révérend M. Dale.

— Laissez-moi, dit Audley d’une voix faible. Dale ! l’homme qui soupçonnait Harley, qui est venu me trouver à Londres, qui m’a parlé d’un enfant, de mon enfant, ne m’envoyant qu’à la recherche d’un autre tombeau ! Lui enfermé avec Harley… lui… »

Audley retomba sur son siège, il étouffait littéralement. Peu d’hommes jouissaient d’une réputation mieux établie de courage tant moral que physique ; et cependant ce n’étaient pas en ce moment la douleur ni le remords qui paralysaient Audley… c’était la crainte. Devant l’homme brave se dressait comme une chose visible et menaçante, sa propre trahison, ce crime des lâches, et il devenait lâche et tremblant. Qu’avait-il donc à redouter ? Rien, si ce n’est le regard accusateur d’un ami trompé. Mais quoi de plus terrible ? Le seul être qui, parmi la pompe de ses partisans l’aimât réellement, le seul être pour lequel l’austère homme d’État ressentît une tendre affection, était à jamais perdu pour lui. Il cacha son visage dans ses mains et demeura immobile comme dans l’attente de quelque chose de terrible, ainsi qu’un enfant dans les ténèbres, le front trempé de sueur et tremblant de tous ses membres.


CHAPITRE XXVII.

Pendant ce temps, Harley avait écouté avec une froide attention la justification de Léonard par M. Dale.

« Cela suffit, dit-il enfin. Je verrai ce soir M. Fairfield, et si des excuses sont dues à Léonard, je lui en ferai. Nous déciderons en même temps s’il devra continuer la lutte ou se retirer. Et maintenant, monsieur Dale ce n’était pas pour apprendre commentée jeune homme a fait, ou a bien voulu ne pas faire, la cour à ma future, que j’ai réclamé l’accomplissement de la promesse que vous m’aviez faite de venir me voir à Lansmere. Nous sommes convenus que le séducteur de Nora mérite un châtiment, et je vous ai promis que le fils de Nora Avenel retrouverait un père. Ces deux assertions se réaliseront demain. Et vous, monsieur, continua Harley en se levant, vous qui portiez l’habit consacré au plus saint office de la charité chrétienne, vous avez cru qu’encore adolescent j’avais pu trahir d’abord