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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/346

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— Monsieur Dale, je vous prie de garder le silence envers Egerton ; le secret de ce qui s’est passé entre nous doit vous être aussi sacré que l’est une confession pour les prêtres romains ; mais si cela peut vous rassurer, je vous promets de ne rien faire qui me rende indigne de l’amitié de M. Egerton, ou que son honneur l’autorise à blâmer. Êtes-vous satisfait ?

— Ah ! milord, s’écria M. Dale, s’arrêtant irrésolu sur le seuil de la porte et prenant la main d’Harley, je serais satisfait si vous vouliez vous soumettre à des conseils plus sûrs que les miens, que ceux de M. Egerton ou de qui que ce soit. N’avez-vous jamais éprouvé l’efficacité de la prière ?

— Ma vie a été inutile, répondit Harley ; je n’ose donc pas me flatter que ma prière ait été efficace. Mais du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu l’habitude de prier Dieu matin et soir, du moins jusqu’à… jusqu’à… et il s’arrêta court.

— Jusqu’à ce que vous ayez voulu vous venger. Vous n’avez pas osé prier depuis lors ! Oh ! songez combien nous devons être coupables lorsque nous n’osons montrer notre âme à Dieu, lorsque nous n’osons lui demander ce que nous souhaitons. Vous êtes ému, milord ; je vous laisse à vos réflexions. »

Harley baissa la tête, et l’ecclésiastique le quitta.

Tandis que M. Dale, inquiet et agité parcourait le corridor, Violante sortit de l’embrasure d’une fenêtre et passant son bras sous celui du curé, elle lui dit timidement : « Je vous ai attendu bien longtemps, cher monsieur Dale ! vous avez vu lord L’Estrange ?

— Eh bien ?

— Pourquoi ne dites-vous rien ! L’avez-vous quitté consolé… plus heureux ?

— Plus heureux ! non.

— Quoi ! dit Violante avec un regard de surprise et un accent dont la tristesse était mêlée de quelque impatience. Quoi ! Est-il donc si chagrin de ce qu’Hélène lui en préfère un autre ? »

Malgré les sérieuses émotions dont il était agité, M. Dale fut frappé de la question de Violante et du ton dont elle était faite. Il aimait tendrement la jeune fille. « Mon enfant, dit-il, je suis bien aise qu’Hélène ait échappé à lord L’Estrange. Prenez garde, oh ! prenez bien garde à l’intérêt qu’il vous inspire. C’est un homme dangereux, d’autant plus dangereux qu’il a des éclairs de noblesse et de grandeur ; il séduirait aisément un cœur jeune et inexpérimenté, car il s’est étrangement emparé du mien. Mais son cœur à lui, est gonflé d’orgueil, de colère et de malice.

— Vous vous trompez ; cela est faux, s’écria impétueusement Violante. Je ne saurais croire un seul mot offensant pour celui qui a sauvé mon père de la prison et de la mort. Vous ne lui aurez pas parlé assez doucement. Il croit que Léonard a eu des torts avec lui, qu’Hélène s’est montrée ingrate. Il souffre d’autant plus de cette blessure que son cœur est plus sensible et plus généreux, et vous l’avez repris et blâmé lorsqu’il eût fallu l’adoucir et le consoler.