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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/353

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le sien, atteignit la porte et s’élançant dans le corridor, disparut à ses yeux.

Harley demeura un instant immobile, irrésolu, à demi vaincu. Mais peu à peu son visage reprit son expression de sombre dureté, moins rigide toutefois qu’auparavant. Le démon avait en lui pour auxiliaire, la merveilleuse opiniâtreté avec laquelle il s’attachait à tout ce qui avait une fois pris racine dans son cœur. Par une impulsion soudaine, qui ajournait la décision, mais témoignait d’une résolution ébranlée, il alla prendre dans son bureau le manuscrit de Nora et quitta sa chambre.

Harley s’était promis de ne parler à Audley du secret qui lui avait été révélé que lorsque sa vengeance serait consommée. Arrière les vains reproches ! Sa colère parlerait par ses actes, et alors un mot suffirait à tout expliquer. Désireux peut-être d’apprendre quelque atténuation de la perfidie, bien qu’il n’eût encore jamais admis la possibilité d’une semblable atténuation, il se décida à aborder l’entrevue qu’il avait jusqu’ici obstinément évitée, et alla droit vers la chambre dans laquelle Audley Egerton était demeuré tremblant et solitaire.


CHAPITRE XXIX.

Egerton entendit ce pas bien connu s’avancer dans le corridor ; il entendit la porte s’ouvrir et se refermer, et il sentit par un de ces étranges et inexplicables instincts que nous appelons pressentiments, que l’heure qu’il redoutait depuis tant d’années, avait enfin sonné. Il rappela à lui son courage, ôta ses mains de devant sa figure et se leva en silence. Non moins silencieux, Harley était devant lui. Tous deux se regardèrent ; on eût pu entendre leur respiration.

« Vous avez vu M. Dale, dit enfin Egerton. Vous savez…

— Tout ! » fit Harley.

Audley soupira profondément. « Soit, dit-il ; mais non, Harley, vous vous trompez ; aucun être vivant ne peut tout vous dire, si ce n’est moi-même.

— C’est la mort elle-même qui m’a instruit, » dit Harley, et le fatal mémoire s’échappant de ses mains, tomba sur la table.

Egerton le vit tomber. La chambre n’était qu’imparfaitement éclairée. À la distance où il était il ne pouvait reconnaître l’écriture, mais il frissonna et se rapprocha involontairement.

« Attendez encore un instant, dit Harley. Laissez-moi formuler mon accusation, et vous examinerez ensuite le seul témoin à charge que j’invoque. Audley Egerton vous avez accepté de moi la mission la plus grave qu’un homme puisse confier à un autre. Vous saviez