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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/357

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debout l’un près de l’autre comme aux jours de leur enfance. Maie Harley écoutait en silence, détournant le visage, jusqu’à ce qu’Egerton termina ainsi. « Et maintenant, Harley, vous savez tout. Vous parliez de vengeance ?

— De vengeance ! répéta Harley en tressaillant.

— Oh ! croyez-moi, reprit Egerton, si quelque vengeance était en votre pouvoir, je m’en réjouirais comme d’une expiation. Recevoir de vous une injure en retour des peines, qu’entraîné d’abord par les passions, et ensuite retenu par ma faiblesse, je vous ai infligées, ce serait un soulagement pour ma conscience, qui me relèverait dans ma propre estime. Mais la seule vengeance qui vous reste prend la forme qui m’humilie le plus. Pardonner c’est vous venger ! »

Harley poussa un gémissement, et cachant toujours son visage sous une de ses mains, il tendit l’autre à Audley, bien plutôt de l’air d’un suppliant qui implore le pardon, que d’un offensé qui l’accorde. Audley prit et serra la main qui lui était ainsi tendue.

« Et maintenant, Harley, adieu. Au point du jour je quitterai cette maison. Je ne puis maintenant accepter votre appui dans cette élection. Lévy annoncera ma démission. Randal Leslie, si vous le trouvez bon, pourra être nommé à ma place. Il a des talents qui, bien dirigés, seront utiles au pays ; et je n’ai pas le droit de repousser par orgueil rien de ce qui peut avancer la carrière d’un jeune homme que j’ai souhaité de servir, sans y avoir réussi.

— Ne vous occupez plus de Randal Leslie, songez plutôt à votre fils.

— À mon fils ? Mais êtes-vous bien sûr qu’il existe ? Vous souriez… vous… vous… Ô Harley ! je vous ai enlevé la mère ; rendez-moi le fils ! brisez mon cœur à force de gratitude. Votre vengeance est trouvée ! »

Lord L’Estrange tressaillit et se leva soudain ; il regarda un moment Audley, irrésolu — non par ressentiment mais par honte. C’était lui qui, maintenant, était l’humilié, lui qui redoutait les reproches, et qui avait besoin de pardon. Audley, ne devinant pas ce qui se passait dans son cœur, s’éloigna.

« Vous trouvez que c’est trop vous demander ; et cependant je ne puis donner à l’enfant de mon amour, et à l’héritier de mon nom, que la stérile bénédiction d’un homme ruiné. Harley, je n’ai plus rien à dire. Je n’ose ajouter : vous aussi vous avez aimé sa mère, et d’un amour plus noble et plus profond que le mien ! Il s’arrêta court, et Harley se jeta dans ses bras.

— Moi ! non ! pardonnez-moi, Audley ! Votre offense a été légère en comparaison de la mienne. Vous me l’avez avouée et moi je n’oserais jamais vous avouer la mienne. Nous avons tous deux besoin du pardon l’un de l’autre, et dans cet échange nous sommes encore égaux, Audley, encore frères ! levez la tête, regardez-moi ; imaginez-vous que nous sommes comme au collège, des enfants qui se sont querellés, et qui, la querelle finie, se sentent plus chers encore l’un à l’autre qu’auparavant.