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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/369

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admiration ; et de fait Randal lui apparaissait comme une rareté curieuse. Je suis heureux de vous informer aussi, continua-t-il, que si votre mariage avec la fille du duc de Serrano a lieu…

Si ! fit Randal.

— Je vous demande pardon d’avoir parlé comme d’une hypothèse, de ce que vous avec le droit d’envisager comme une certitude. Eh bien donc, quand votre mariage avec Violante aura lieu, vous échapperez à l’écueil sur lequel viennent échouer bien des jeunes gens de sentiments ardents au début du grand voyage, vous ne contracterez pas une alliance imprudente. En un mot, j’ai reçu hier de Vienne une dépêche qui m’apprend la grâce complète et la restauration officielle d’Alphonse de Serrano. Et je dois ajouter que le gouvernement autrichien, quelquefois méconnu dans ce pays, est toujours fidèle à ses propres lois et ne peut en aucune façon rien imposer au duc, quant au choix d’un gendre ou à l’héritage qui doit revenir à sa fille.

— Et le duc est-il informé de son rappel ? s’écria Randal, la joue en feu et l’œil étincelant.

— Non ; je lui communiquerai cette bonne nouvelle ainsi que d’autres après l’élection. Mais Egerton se fait bien attendre. Ah ! voici son valet de chambre.

M. Egerton, dit le domestique en s’approchant, se sent plus indisposé que de coutume, milord. Il vous prie de l’excuser, s’il ne peut se rendre maintenant à la ville. Il ira un peu plus tard, si vous jugez que sa présence soit absolument nécessaire.

— Non ; dites-lui qu’il se soigne et qu’il se repose. J’aurais voulu qu’il assistât à son triomphe, voilà tout. Dites-lui que je me charge de le représenter au poll. — Messieurs, êtes-vous prêts ? Nous allons en avant. »

La tente du poll était dressée au milieu de la place du marché. Le vote était déjà commencé ; M. Avenel et Léonard étaient à la porte, saluant et remerciant les électeurs de leur parti à mesure que ceux-ci passaient devant eux. Randal et L’Estrange entrèrent sous la tente au milieu de bruyantes acclamations et aux sons de l’air national du Héros vainqueur. Les votants défilaient rapidement. Ceux qui votaient uniquement en vue du principe ou de la couleur (ce qui pour eux était tout un) et étaient par conséquent au-dessus des brigues, entrèrent d’abord, votant carrément pour les deux candidats bleus ou les deux candidats jaunes. Au bout de la première demi-heure, les jaunes étaient de dix voix en avant des bleus. À ce moment plusieurs votes partagés commencèrent à jeter de l’incertitude dans les conjectures au sujet du résultat. Randal, après la première heure, avait quinze voix de majorité sur Egerton et deux sur Dick Avenel ; Léonard Fairfield tenait la tête du poll avec cinq voix de majorité. Randal devait son avantage aux votes que les efforts personnels d’Harley lui avaient acquis, et il fut ravi de voir que lord L’Estrange ne lui avait retiré aucune des promesses ainsi obtenues. C’était un présage favorable de la disposition d’Harley à croire ses explications. En un mot, l’élection semblait marcher exactement comme il s’y était attendu. À midi,