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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/370

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il y eut un changement dans la position relative des candidats. Dick Avenel avait peu à peu gagné du terrain, dépassé Randal, dépassé même Léonard. Il était en tête du poll avec dix voix de majorité. Randal venait ensuite. Audley était de vingt voix en arrière de Randal, et Léonard de quatre en arrière d’Audley.

Plus de la moitié des électeurs avaient voté, mais les membres des comités des deux couleurs, ainsi que le redoutable corps des cent cinquante, réservaient encore leurs votes.

Le poll se ralentissait sensiblement. Randal en regardant autour de lui, et cherchant une occasion de demander à Dick si réellement il voulait se faire nommer au lieu de son neveu, s’aperçut qu’Harley avait disparu, et peu après, il fut prié par un message de se rendre à la salle du comité, ce qu’il fit aussitôt. Tandis qu’il se frayait parmi la foule un chemin vers la salle, Lévy l’arrêta près de la porte et lui dit : « Ils commencent à craindre pour Egerton. Ils veulent assurer son élection par un compromis. Ils vont vous proposer de vous désister, si Avenel consent à retirer Léonard. Ne donnez pas dans le panneau. L’Estrange vous fera peut-être la question, mais, je vous le dis en confidence, il ne demande pas mieux que de voir échouer Egerton. Comptez là-dessus et soyez ferme. »

Randal ne répondit rien, mais la foule lui fit place et il entra dans la salle. Lévy l’y suivit et les portes se refermèrent à l’instant. Le comité bleu était tout entier rassemblé. Ses membres paraissaient inquiets et désappointés. Lord L’Estrange seul, parfaitement calme, se tenait debout en haut de la table longue. Malgré son sang-froid, Harley était pensif. « Oui, se disait-il, je vais donner à ce jeune homme l’occasion de prouver sa gratitude envers son bienfaiteur, et s’il s’acquitte envers celui-ci, je lui épargnerai du moins la révélation publique de sa duplicité envers les autres. Il est trop jeune pour qu’il ne lui reste pas quelques bons sentiments, du moins envers l’homme à qui il doit tout. »

« Monsieur Leslie, dit tout haut L’Estrange, vous voyez le résultat du vote. Notre comité pense qu’à moins de désistement de votre part, Egerton sera battu. Il craint que les jaunes, comprenant que Léonard Fairfield a peu de chances de succès, ne veuillent pas perdre leur second vote en le lui donnant, et ne vous les transfèrent dans le but d’écarter Egerton. Si, au contraire, vous vous retirez, l’élection d’Egerton est assurée, car nous avons des raisons de croire qu’en ce cas Avenel renoncerait également à la candidature de son neveu.

— Vous n’avez plus rien à craindre ni à espérer d’Egerton, dit tout bas Lévy. Il est complètement ruiné, et s’il n’est pas nommé, il passera la nuit en prison. Les recors l’attendent. »

Randal se taisait, et son silence provoqua un murmure d’indignation parmi les membres les plus influents du comité, car, bien qu’Audley ne fût pas personnellement très-populaire, cependant un candidat si éminent était naturellement leur premier intérêt, et ils comprenaient