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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/372

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votre estime à tous m’y obligent. M. Egerton n’a pas le désir de rentrer au parlement en ce moment. Sa santé est altérée, ses affaires privées demandent tout son temps et tous ses soins. J’ose dire que je suis pour lui un fils. Il désire ardemment que je réussisse (lord L’Estrange me le disait encore hier au soir) ; il est plus préoccupé de mon succès que du sien. Rien ne lui ferait plus de plaisir que de me voir servir dans le parlement, si humblement que ce fût, les grands intérêts, que ni sa santé ni ses affaires ne lui permettraient de défendre, pendant la crise importante qui se prépare, avec son talent et son énergie accoutumés. Nul doute que plus tard il ne veuille rentrer dans l’arène où il s’est si fort distingué, et quand sera calmée l’agitation qui cause l’injustice populaire d’aujourd’hui, quels électeurs ne seront fiers de nommer un tel député ? À l’appui de ce que je viens d’avancer, j’en appelle à l’agent même de M. Egerton, un gentleman qui, malgré son immense fortune et le rang qu’il occupe dans la société, a consenti à agir gratuitement en faveur de ce grand homme d’État. Je vous le demande donc, baron Lévy, la santé de M. Egerton n’est-elle pas gravement altérée ; ne lui commande-t-elle pas impérieusement le repos ?

— C’est un fait, dit Lévy.

— Et ses affaires n’exigent-elles pas son entière et sérieuse attention ?

— Oui, en vérité, dit le baron. Messieurs, je n’ai rien à dire en faveur de mon honorable ami qui soit contraire à l’exposé de son fils adoptif, M. Leslie.

— Alors, moi j’ai à dire, s’écria le boucher en frappant du poing sur la table, que M. Egerton s’est diablement mal conduit avec nous, et que nous allons être la fable de la ville.

— Doucement, doucement, fit Harley. Mais on frappe à la porte. Excusez-moi un instant. »

Harley quitta la salle pour une ou deux minutes seulement. À son retour, il s’adressa à Randal.

« Nous devons donc conclure, monsieur Leslie, que vous êtes dans l’intention de maintenir votre candidature ?

— À moins que Votre Seigneurie n’exige de moi le contraire, je dirai : « Laissons marcher l’élection et que chacun en coure les chances. Telle est, ce me semble, la seule manière d’agir, juste, franche, honorable et vraiment anglaise. » Et Randal appuya sur ce dernier mot.

« Soit, répliqua Harley ; que chacun coure les chances du poll. Monsieur Leslie, nous ne vous retiendrons pas plus longtemps. Retournez, je vous prie, au poll, car il faut au moins qu’un des candidats bleus soit présent, et vous baron, ayez la bonté d’y aller aussi, et de remercier ceux qui pourront encore voter en faveur de M. Egerton. »

Lévy s’inclina et sortit donnant le bras à Randal.

« Parfait ! s’écria le baron. Vous avez une fameuse tête !

— Le regard de L’Estrange m’a déplu, néanmoins. Mais il ne peut