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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/374

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votre nom et en celui de M. Avenel, avec l’approbation de votre comité ?

— Oui, milord, dit Léonard, s’avançant vers la table. Nous sommes convaincus que ni l’un ni l’autre parti ne réussira à faire nommer ses deux candidats. La nomination de M. Avenel est assurée. La seule question est donc maintenant de savoir lequel de vos deux candidats il convient de choisir. Mon désistement, que je vais faire placarder tout à l’heure, laissera libres assez de votes pour faire triompher soit M. Egerton, soit M. Leslie.

— Vive Egerton ! crièrent de nouveau les bleus.

— Oui, vive Egerton ! répéta Léonard. Ses principes politiques peuvent différer des nôtres, mais qui dira quels sont ceux de M. Leslie ? L’homme politique peut n’avoir pas toutes nos sympathies, mais qui ne se sentirait fier du sénateur ? C’est pour tout collège électoral un grand avantage que d’envoyer au parlement un homme illustre. Sa renommée rejaillit sur la ville qu’il représente, elle y soutient l’esprit public ; elle y augmente l’intérêt pour tout ce qui touche la nation. Chaque fois que sa voix se fait entendre dans le parlement, elle nous rappelle notre commun pays, et les discussions mêmes que provoquent ses paroles éclairent ses électeurs sur l’intérêt public. Vive donc Egerton ! s’il faut que notre parti souscrive à la nomination d’un adversaire, unissons-nous du moins pour choisir le plus digne. Milord, en quittant cette salle, je vais annoncer mon désistement et solliciter de ceux qui m’ont promis leurs votes, de les transférer à M. Egerton. »

Pendant les bruyants hourras qui suivirent cette allocution, Léonard se rapprocha d’Harley : « Milord, lui dit-il, j’ai obéi à vos désirs tels qu’ils m’ont été transmis par mon oncle qui, en ce moment même, s’occupe ailleurs d’en assurer l’effet.

— Léonard, dit Harley, également à demi-voix, vous avez assuré à Egerton, et vous seul pouviez le faire, le triomphe sur un perfide protégé, et la continuation de la carrière qui a fait jusqu’ici la consolation comme le charme de sa vie. Il vous remerciera lui-même. Venez au château après le scrutin. C’est là que vous seront données toutes les explications auxquelles vous avez droit. »

Puis, Harley saluant l’assemblée, éleva la voix : « Messieurs, dit-il, hier, lors de la nomination des candidats, j’ai prononcé quelques paroles dont M. Fairfield s’est trouvé justement offensé. En votre présence, je les rétracte et lui en fais franchement mes excuses. En votre présence, je lui demande de me pardonner, et je lui dis que, s’il veut bien m’accorder son amitié, je le placerai dans mon estime et mon affection à côté de l’homme d’État qu’il va rendre à son pays. »

Léonard serra dans ses deux mains celle que lui tendait Harley, puis, craignant de ne pouvoir dominer son émotion, il se hâta de quitter la salle, tandis que bleus et jaunes se félicitaient réciproquement d’un compromis qui calmerait l’irritation des partis, assurerait la paix du bourg, et, jusqu’aux prochaines élections, rendrait à