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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/386

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sait à tous en même temps, il redressa la tête et regarda autour de lui, l’œil calme et la lèvre dédaigneuse.

« Duc de Serrano, dit-il en anglais en se tournant vers son parent stupéfait et d’une voix qui, lente, claire et ferme, semblait résonner dans toute la chambre, je suis revenu en Angleterre sur une lettre de lord L’Estrange, et je l’avoue, dans l’intention de réclamer de lui la satisfaction que les hommes de notre naissance ne sauraient se refuser l’un à l’autre lorsqu’un affront a été fait ou reçu. Ne vous alarmez pas, ma belle cousine, et le comte, avec un léger sourire, salua Violante, qui avait poussé un faible cri, cette intention est abandonnée. Si j’ai trop légèrement adopté la galante maxime : Qu’en amour comme en guerre tous les stratagèmes sont permis, je dois accorder à lord L’Estrange que les contre-stratagèmes sont également légitimes. Et après tout, il me sied mieux de rire de ma triste figure lors de ma défaite, que de m’avouer sérieusement humilié par une habileté plus ingénieuse que la mienne. »

Le comte s’arrêta et son œil s’éclaira d’un feu sinistre peu d’accord avec la gaieté de son langage et l’aisance de son maintien. « Ma foi, continua-t-il, il m’est permis de parler ainsi, car j’ai du moins prouvé mon insouciance du danger, et mon heureuse chance lorsque je m’y exposais. Depuis six ans, j’ai eu l’honneur de me battre neuf fois en duel, et le regret de blesser cinq de mes adversaires et de chasser de ce monde les quatre autres.

— Monstre ! » s’écria le curé.

Le squire ouvrit de grands yeux et instinctivement se gratta l’épaule qu’avait lacérée la balle du capitaine Dashmore. Randal devint plus pâle encore, et le regard qu’il avait fixé sur l’audacieux visage du comte s’abaissa.

« Mais, reprit le comte avec un geste gracieux, je remercie lord L’Estrange de m’avoir rappelé qu’un homme dont le courage ne peut être soupçonné, a le privilège non-seulement, s’il a fait tort à un homme, de pouvoir lui adresser des excuses, mais encore de joindre à ces excuses une réparation. Duc de Serrano, c’est dans ce dessein que je suis ici. Milord, vous m’avez exprimé le désir de m’adresser quelques questions concernant le duc et sa fille, je suis prêt à y répondre sans réticences.

— Monsieur le comte, dit Harley, profitant de votre courtoisie, j’oserai vous demander qui vous a informé que votre jeune cousine était l’hôte de mon père ?

— Celui qui m’en a informé est là-bas ; c’est M. Randal Leslie. J’en appelle au témoignage de Lévy.

— C’est vrai, » dit le baron lentement et comme dominé par le ton et l’attitude d’un chef impérieux.

Les lèvres livides de Randal laissèrent échapper un son semblable à un sifflement.

« M. Leslie connaissait-il votre projet de vous emparer de la personne et de la main de votre parente ?

— Certainement ; le baron vous le dira. »