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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/385

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engagement avec la fille du duc de Serrano. Ne m’avez-vous pas fait l’honneur de me dire, duc, que pour mettre votre fille à l’abri des pièges du comte de Peschiera, et dans la pensée que M. Leslie partageait la crainte que vous inspiraient les desseins du comte, vous aviez, lorsque vous étiez encore pauvre et exilé, promis sa main à ce gentleman ? Alors que les probabilités de votre prochaine restauration équivalaient presque à une certitude, vous avez confirmé cette promesse en apprenant de M. Leslie qu’il s’était, quelque inefficacement que ce fût, efforcé de préserver votre fille d’un perfide guet-apens. N’est-ce pas cela ?

— Certainement. Eussé-je hérité d’un trône je n’aurais pas rétracté la promesse que j’avais faite dans la pénurie et le bannissement. Je ne pouvais refuser à celui qui avait sacrifié toute ambition pour épouser une fille sans dot, la récompense de sa propre générosité. Ma fille souscrit à mes vues. »

Violante tremblait et joignait les mains ; mais elle tenait ses regards attachés sur Harley.

M. Dale s’essuyait les yeux et songeait au pauvre réfugié, se nourrissant de goujons et se préservant des dettes dans l’obscurité du Casino.

« Cette réponse est digne de vous, duc, mais s’il était prouvé que M. Leslie, au lieu de rechercher la princesse pour elle-même, avait formé le projet de la transférer pour de l’argent au comte de Peschiera, et que bien loin d’avoir voulu la préserver des dangers que vous redoutiez, il avait lui-même suggéré l’idée du piège auquel nous l’avons arrachée, croiriez-vous encore votre honneur engagé envers…

— Envers un pareil coquin ! Non, certes ! s’écria le duc, mais c’est là une hypothèse gratuite. Parlez, Randal !

— Lord L’Estrange ne saurait vouloir m’insulter jusqu’à penser autrement, dit Randal, s’efforçant de redresser la tête.

— Je dois donc conclure, monsieur Leslie, que vous rejetez avec mépris une semblable supposition ?

— Avec le plus profond mépris. Et, continua Randal, avançant d’un pas, puisque la supposition a été faite, j’exige de lord L’Estrange, comme son égal (car tous les gentilshommes sont égaux lorsqu’il s’agit de défendre l’honneur au péril de la vie), j’exige de lord L’Estrange une rétractation ou une preuve immédiate.

— Votre demande est juste, dit Harley avec calme. Je ne puis vous accorder la rétractation, je vais vous fournir la preuve. »

Il se leva et alla sonner ; un domestique entra ; Harley lui dit quelques mots à l’oreille et le renvoya. Il y eut un silence pénible pour tous. Randal terrifié se demandait cependant quel témoignage pouvait être produit contre lui et il n’en voyait aucun à redouter. La porte s’ouvrit à deux battants et le domestique annonça : « Le comte de Peschiera. » Une bombe éclatant soudain dans le salon n’eût pas produit une plus grande sensation. Droit, ferme, audacieux, dans tout l’imposant effet de sa taille et de son maintien, le comte s’avança vers le cercle ; après un léger signe de courtoisie hautaine qui s’adres-