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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/54

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— Oh ! il vient tout juste de sortir, mais il ne sera pas longtemps. Vous allez l’attendre ?

— Certainement. Quelle est cette dame que j’aperçois au bout du jardin ?

— Bonté divine ! mais c’est notre signorina. Je vais courir lui dire que vous êtes arrivé.

— Que je suis arrivé ; mais elle ne connaît pas même mon nom.

— Ah ! Excellence ! Pouvez-vous croire cela ? Elle m’a parlé de vous bien des fois et je l’ai entendue prier la sainte Madone de vous bénir d’une voix si douce !

— Arrêtez ; je veux me présenter moi-même à elle. Rentrez ; j’attendrai le padrone dans le jardin. »

Et Harley quittant Giacomo se dirigea vers Violante.

La pauvre enfant, qui se promenait dans une allée couverte de ce triste jardin, n’avait pas été vue de Giacomo, lorsque celui-ci avait été ouvrir, et ignorante des craintes dont elle était l’objet, s’était sentie prise de curiosité à la vue d’un étranger, causant amicalement avec l’intraitable cerbère.

Tandis qu’Harley s’approchait d’elle avec cette singulière grâce de mouvements qui lui était propre, son cœur tressaillit sans savoir pourquoi. Elle ne le reconnut pas à sa ressemblance avec le dessin que lui avait fait son père ; elle ne devina pas qui il était, et cependant elle se sentit rougir, et elle, d’ordinaire si intrépide, se détourna sous l’impression d’une crainte vague.

« Pardonnez-moi de manquer de cérémonie, signorina, dit Harley en italien, mais je suis un si ancien ami de votre père, qu’il me semble que je ne puis vous être tout à fait étranger. »

Violante leva alors sur lui ses yeux noirs si intelligents et si innocents, des yeux qui exprimaient la surprise mais non le mécontentement, et Harley lui-même fut un instant étonné, presque ébloui à la vue de la radieuse beauté qui était devant lui.

« L’ami de mon père, fit Violante en hésitant, et cependant je ne vous ai jamais vu ?

— Ah ! signorina ! dit Harley en souriant avec malice, vous êtes dans l’erreur, vous m’avez déjà vu et vous m’avez alors bien mieux reçu.

— Signor ! » dit Violante de plus en plus surprise et les joues couvertes de rougeur.

Harley qui était revenu du premier étonnement causé par sa beauté, et qui voyait en elle bien plutôt une enfant qu’une femme, s’amusa de sa perplexité ; car il était dans sa nature de parler souvent d’autant plus gaiement qu’il était plus triste au fond du cœur.

« En vérité, signorina, reprit-il gravement, vous voulûtes alors absolument mettre une de vos belles mains dans la mienne, l’autre (pardonnez à la fidélité de mes souvenirs), l’autre était affectueusement passée autour de mon cou.

— Signor ! » s’écria de nouveau Violante ; mais cette fois son accent