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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/59

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tement), la découverte du paquet, quel qu’en fût le contenu, deviendrait inutile ; le but de Peschiera serait atteint. Je compris aussi que le succès rétablirait pour toujours sa réputation, car il impliquerait nécessairement votre consentement (ce serait déshonorer votre fille que d’alléguer qu’elle s’est mariée malgré vous), et ce consentement serait sa justification. Je songeai avec inquiétude que sa situation désespérée le pousserait à user de tous les moyens pour l’accomplissement de son projet, car ses dettes sont considérables et une fortune nouvelle peut seule contre-balancer l’effet de sa mauvaise réputation.

« Je savais de plus qu’il est intelligent, audacieux, déterminé et qu’il avait emporté une somme considérable empruntée à des usuriers ; en un mot, je tremblais pour vous deux ; mais maintenant j’ai vu votre fille et je ne crains plus rien. Bien que Peschiera se vante avec raison d’être un séducteur accompli, au premier coup d’œil jeté sur le visage si doux, mais cependant si noble de Violante, j’ai été convaincu qu’elle serait à l’épreuve d’une légion de Peschieras. Maintenant donc, revenons à cet importent sujet, le paquet. Vous ne l’avez jamais reçu ; de longues années se sont écoulées depuis lors. Existe-t-il encore ? Dans quelles mains est-il tombé ? Faites appel à tous vos souvenirs ; la servante n’a pu se rappeler le nom de la personne à qui il était envoyé ; elle m’a seulement dit que ce nom commençait par un B, que le paquet était adressé en Angleterre et qu’elle l’avait affranchi pour ce pays. Quelle est donc la personne dont le nom commence par un B, ou si par hasard la servante s’était trompée, quelle personne avez-vous assez intimement connue, vous ou votre femme, pendant votre voyage en Angleterre, pour que celle-ci ait pu la choisir pour confidente ?

— Je ne puis me l’imaginer, dit Riccabocca en secouant la tête. Nous vînmes en Angleterre peu de temps après notre mariage. La santé de Pauline fut affectée par le climat. Elle ne savait pas un mot d’anglais et elle ne parlait même pas français, ce qui était singulier chez une personne de grande naissance, mais son père était pauvre et complètement italien. Elle refusa toute espèce de société. À la vérité, je me mêlai quelque peu à la société de Londres, assez pour qu’à mon retour ici j’aie reculé devant le contraste que la réception d’un proscrit ruiné formerait avec celle qu’on me fit alors, mais je ne formai aucune liaison intime. Je ne me rappelle personne à qui elle eût pu écrire.

— Réfléchissez bien, dit Harley insistant. Ne connaissiez-vous aucune femme sachant l’italien et avec qui pour cette raison même se serait liée votre femme ?

— Ah ! oui, c’est vrai ; il y avait une vieille dame qui vivait très-retirée, mais qui avait habité longtemps l’Italie, lady… lady… Ah ! je me souviens ! lady Jane Horton.

— Horton ! lady Jane ! s’écria Harley ; encore ! trois fois dans une journée ! Ne laissera-t-on jamais cette blessure se cicatriser ! »

Puis voyant l’air de surprise de Riccabocca, il dit : « Excusez-moi, mon ami. Je vous écoute avec un intérêt plus vif encore. Lady Jane