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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/60

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était ma parente éloignée ; elle m’a jugé trop sévèrement peut-être et son nom me rappelle quelques souvenirs pénibles, mais c’était une personne de grande vertu. Votre femme la connaissait donc ?

— Pas intimement, cependant mieux que qui que ce fût à Londres. Mais Pauline n’a pu lui écrire : elle savait que lady Jane était morte bientôt après son départ d’Angleterre. J’avais été rappelé en Italie par des affaires pressantes ; elle était trop souffrante pour voyager aussi rapidement qu’il me fallait le faire ; sa maladie la retint même quelques semaines en Angleterre. Dans cet intervalle, elle a pu faire des connaissances. Oui maintenant je devine. Vous dites que le nom commençait par un B. Pauline, en mon absence, avait pris une dame de compagnie, une mistress Bertram. Cette dame la suivit sur le continent. Elle parlait fort bien l’italien et Pauline lui était fort attachée. Mistress Bertram la quitta pendant le voyage et revint en Angleterre, où la rappelaient, je crois, quelques affaires personnelles. Pauline la regretta vivement ; elle en parlait souvent et s’étonnait de ne point recevoir de ses nouvelles. Je ne doute pas que ce ne soit à cette mistress Bertram qu’elle a écrit.

— Et vous ne connaissez pas la famille de cette dame ni son adresse ?

— Non.

— Vous ne savez pas non plus qui l’avait recommandée à votre femme ?

— Non.

— C’était sans doute lady Jane Horton.

— Peut-être ; c’est assez probable.

— Je veux suivre ce fil, si léger qu’il soit.

— Mais si mistress Bertram a reçu le paquet, comment se fait-il qu’elle ne me l’ait pas envoyé ? Fou que je suis ! Comment l’aurait-elle pu, alors que je gardais si soigneusement l’incognito ?

— C’est vrai, et votre femme n’avait pas prévu cela. Elle s’imaginait naturellement qu’il serait facile de découvrir votre résidence en Angleterre. Mais bien des années doivent s’être écoulées depuis que votre femme a perdu de vue cette mistress Bertram, si leurs relations datent de l’époque de votre mariage, et maintenant il faut chercher bien loin en arrière, même avant la naissance de Violante.

— Hélas ! oui ; j’ai perdu deux fils dans l’intervalle. Violante m’est née comme l’enfant de la douleur.

— Pour vous consoler. Qu’elle est donc belle ! »

Le père sourit avec orgueil.

« Trouverez-vous jamais, même dans les plus nobles maisons de l’Europe, un mari digne d’une telle main ?

— Vous oubliez que je suis encore exilé et qu’elle est toujours sans dot. Vous oubliez que je suis poursuivi par Peschiera, que j’aimerais mieux la voir épouser un mendiant que… Ah ! cette pensée seule me rendrait fou ; elle est trop odieuse. Corpo di Bacco ! je lui ai déjà trouvé un mari.

— Déjà ! Alors ce jeune homme disait vrai.