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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/67

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— Notre ami Léonard, dit Riccabocca en regardant aussi par la fenêtre. C’est vrai ; ainsi que le dit spirituellement Quevedo : « Depuis que la demande pour les caractères d’imprimerie est devenue si considérable, il reste moins de plomb pour fondre des balles. »

Léonard entra. Harley lui avait envoyé le laquais de lady Lansmere avec un billet qui le préparait à revoir Hélène. Quand il parut à la porte du salon, Harley l’alla prendre par la main et le conduisit vers lady Lansmere.

« Voici l’ami dont je vous ai parlé, dit-il. Accueillez-le aujourd’hui à cause de moi ; vous le rechercherez bientôt pour lui-même. »

Puis, attendant à peine que la comtesse eût achevé une réponse gracieuse, il attira le jeune homme du côté d’Hélène.

« Mes enfants, leur dit-il avec un accent touchant qui pénétra le cœur de tous deux, allez vous asseoir là-bas pour causer un peu du passé. Signorina, je vous invite à une nouvelle discussion sur la question abstraite et métaphysique que vous avez soulevée. Voyons si nous ne trouverons pas de sources plus douces de pitié et d’admiration que la guerre et les guerriers. » Et il conduisit Violante dans l’embrasure d’une fenêtre. « Vous vous rappelez, lui dit-il, qu’hier soir Léonard, en vous racontant son histoire, vous a parlé un peu trop brièvement, à votre gré, d’une petite fille qui avait été la compagne de ses plus rudes épreuves. Lorsque vous avez voulu le questionner à son sujet, je vous ai dit que vous la verriez bientôt et que vous la questionneriez vous-même. Et maintenant, que pensez-vous d’Hélène Digby ? Chut ! parlez bas ; mais, heureusement, elle n’a pas l’oreille aussi fine que moi.

Violante. Ah ! c’est là la charmante créature que Léonard appelait son ange gardien. Quelle douce et innocente figure ! L’ange est encore là !

Harley (satisfait à la fois et de la louange et de celle qui la donne). Vous avez raison. Hélène n’est pas expansive ; mais les belles natures sont comme les beaux poèmes, un coup d’œil jeté sur les premières lignes suffit à vous faire deviner quelles beautés vous attendent si vous continuez de lire. »

Violante tourna les yeux du côté d’Hélène et de Léonard. Celui-ci parlait, Hélène écoutait, et bien que le jeune homme se fût montré la veille très-réservé au sujet du rôle qu’avait joué l’orpheline dans sa vie, il en avait dit assez pour que Violante s’intéressât au bonheur que tous deux devaient éprouver à se revoir après cette longue séparation, et à se retrouver à l’abri de la tempête et du naufrage. Les larmes lui vinrent aux yeux : « C’est vrai, dit-elle doucement, il y a là de quoi exciter la pitié et l’admiration plus que dans… » Elle s’arrêta.

« Achevez votre phrase, dit Harley. Avez-vous honte de vous rétracter ?

— Non, mais là aussi il y a eu guerre et héroïsme, guerre du génie contre l’adversité et héroïsme chez la consolatrice qui le soutenait dans ses douleurs et les partageait. Ah ! lorsque la pitié et